La lutte pour 15 $ de l’heure – Le choix entre vivre et survivre

Par Norman Laforce, militant au POPIR-Comité logement

Illustration : Philippe Colas

Si l’idée du 15 $ de l’heure nous est arrivée des États Unis, il faut clarifier le contexte dans lequel elle a pris naissance. C’est en 2012, à New York, dans le domaine de la restauration, que des travailleuses et des travailleurs précaires, dont plusieurs sans statut, exigent une augmentation du salaire minimum. La revendication est reprise à travers les États-Unis pour finalement arriver au Canada et au Québec. Elle y est reprise par le Centre des Travailleurs et Travailleuses Immigrant (CTI-IWC) qui, en 2013, forme une coalition de travailleuses et travailleurs étrangers temporaires, domestiques, d’agences de placement ou sans papiers, alors que le Parti Québécois veut revoir sa politique sur le travail précaire. Le ministre de l’époque refusera de les rencontrer, mais les membres continueront à se réunir sur la question. Cette coalition comprend, à ce moment, le CTI, l’Association des travailleurs et travailleuses étranger (ATTET), l’Association des travailleurs d’agences temporaires (ATTAP), Pinay, une organisation des femmes philippines du Québec regroupant surtout des travailleuses domestiques, Mexicain.e.s uni.e.s pour la régularisation (MUR) et Dignité migrante.

Au Québec, la revendication du salaire minimum à 15 $ de l’heure continue son chemin et diverses campagnes sont lancées. En 2015, elle devient la priorité de la coalition CTI qui lance sa campagne appelée « 15 $ et justice ». Pendant ce temps, le Syndicat Industriel des Travailleurs, travailleuses (SITT-IWW) lance sa campagne intitulée « 15-5-7 » (salaire minimum de 15 $/heure, 5 semaines de vacances payées et 7 jours de maladie payés par année). Alternative socialiste lance, pour sa part, la campagne « 15+ » (salaire minimum de 15 $/heure dès maintenant, l’indexation automatique au coût de la vie, pour toutes les travailleuses et tous les travailleurs du Québec, peu importe leur statut migratoire, leur horaire, leur lieu de résidence ou leur type d’emploi).

En octobre 2015, une coalition large fait une conférence de presse et, soudainement, le mouvement prend de l’ampleur. Une manif sur le salaire minimum à 15 $ de l’heure est organisée en avril 2016. Le mois suivant, le gouvernement augmente le salaire minimum à 10,75 $, soit une hausse de 0,20 $ de l’heure, sous les applaudissements du Conseil du patronat du Québec qui considère la hausse de 20 cents raisonnable…

C’est en mai 2016 que Québec Solidaire prend aussi position en faveur du 15 $ de l’heure, suivi par la FTQ qui lance sa campagne « Minimum 15 ». En juin 2016, la coalition « 15 $ et justice » devient la coalition « 15 $ maintenant », un mouvement qui réunit des centrales syndicales, des travailleuses et travailleurs précaires, des groupes politiques ainsi que des groupes communautaires avec une revendication centrale commune. En octobre 2016, la campagne « 5-10-15 » (horaire de travail 5 jours d’avance, 10 jours de congé payés par année pour maladie ou responsabilités familiales et salaire minimum de 15 $/heure) est lancée, notamment, par des centrales syndicales, la Confédération des syndicats nationaux (CSN), la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) et la Centrale des syndicats démocratiques (CSD), des groupes communautaires, dont le Collectif pour un Québec sans pauvreté, et le Front de défense des non-syndiquéEs, une coalition de plus de 25 groupes populaires et syndicaux.

Cette coalition a eu deux rencontres officielles plus ou moins fructueuses avec la ministre du Travail, mais le gouvernement a décidé de conserver sa stratégie des hausses annuelles « pour s’ajuster à l’évolution de l’économie québécoise » en visant « une hausse progressive du salaire minimum sur quatre ans ». Le gouvernement prévoit donc qu’en 2020, le salaire minimum sera de l’ordre de 12,45 $. On est non seulement loin du 15 $ de l’heure, mais on est aussi loin du salaire recommandé par l’étude de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) qui disait, en 2016 : « Nous sommes arrivés au constat qu’un salaire minimum à l’échelle du Québec devrait être fixé à 15,10 $ pour respecter les différents critères qui fondent la notion de salaire viable. À ce jour, 26 % des travailleurs et travailleuses du Québec gagnent moins que ce seuil. » Pendant ce temps, les loyers continuent d’augmenter, le panier d’épicerie pourrait coûter annuellement 420 $ de plus, et, malgré tout, le gouvernement s’entête à couper et à ignorer la réalité des personnes qui travaillent au salaire minimum !

Au FRAPRU, ses membres réunis en assemblée générale en septembre dernier ont décidé à l’unanimité, dans une perspective de lutte à la pauvreté, de se positionner en faveur de l’augmentation immédiate du salaire minimum à 15 $ de l’heure et son indexation subséquente ; le regroupement s’est ainsi engagé à diffuser à ses membres les informations et les appels à l’action des campagnes portant sur cette revendication.

Pour appuyer la revendication du salaire minimum à 15 $ de l’heure, il y a eu une manifestation le 4 avril 2017, en marge du congrès de l’Association nationale des entreprises en recrutement et placement de personnel. Des actions auront également lieu le 1er mai.

La lutte continue… Soyons-y !!