Le Canada et le Québec devant l’ONU : des organisations dénoncent l’impact des mesures d’austérité sur les droits sociaux

DSCF0970Montréal, le 17 février 2016 – Amnistie internationale (AI), le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) et la Ligue des droits et libertés (LDL) ont mis en garde le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU contre la manière dont le Canada et le Québec s’acquittent de leurs responsabilités à l’égard de ces droits. Cet avertissement a été rendu public avant que le Canada ne se présente devant le comité d’experts, à Genève, les 24 et 25 février, afin de défendre son sixième Rapport périodique relativement au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Les trois organisations font partie de la trentaine d’organismes canadiens qui ont fait parvenir des mémoires au comité. Elles seront représentées à Genève pour porter leurs préoccupations et recommandations et prendre note des réponses que le Canada et le Québec fourniront au comité.

Des droits bafoués

AI, le FRAPRU et la LDL s’inquiètent notamment des conséquences que les politiques d’austérité du gouvernement du Québec imposent à des droits comme ceux à l’éducation, à la santé et à un niveau de vie suffisant. Béatrice Vaugrante, directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone, considère que « les coupes dans les dépenses publiques peuvent affecter de manière disproportionnée les groupes les plus désavantagés et les plus marginalisés de la société québécoise. Elle ajoute que « Québec a l’obligation d’analyser l’impact des mesures d’austérité sur les discriminations envers les groupes vulnérables et de s’assurer que l’effet cumulatif de ces mesures ne conduise pas à une régression de l’accès aux droits sociaux ».

L’attention du comité de l’ONU devrait aussi porter sur deux projets de loi présentement à l’étude au Québec. Le projet de loi 70 rend obligatoire la participation des primo-demandeurs à l’aide sociale au Programme objectif emploi, sous peine de réduction drastique de leur prestation. Christian Nadeau, président de la Ligue des droits et libertés, estime que « le projet de loi 70 porte atteinte au droit à la sécurité sociale, à un niveau de vie suffisant et au travail librement choisi ou accepté ».

Quant au projet de loi 56 sur le lobbyisme, Christian Nadeau affirme qu’il « imposerait aux organisations de la société civile québécoise des entraves majeures à la participation des citoyens et des citoyennes à la vie démocratique et à leur capacité de défendre et faire valoir leurs droits économiques, sociaux et culturels »

AI, le FRAPRU et la LDL rappellent que lors de la dernière comparution du Canada et des provinces en 2006, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels avait constaté que « les Canadiens ont un niveau de vie élevé et le pays a les moyens de leur assurer dans une large mesure la jouissance de tous les droits ». Le comité onusien avait aussi émis toute une série de recommandations qui sont, pour la grande majorité, restées lettre morte.

François Saillant, coordonnateur du FRAPRU, s’en offusque: « Le comité de l’ONU avait entre autres recommandé que les prestations d’aide sociale permettent de garantir la réalisation du droit à un niveau de vie suffisant. Or, en 2016, au Québec, elles n’atteignent que 623 $ par mois, ce qui est inférieur au coût moyen d’un logement d’une chambre à coucher qui est de 638 $ ! De plus, alors que le comité avait recommandé que les problèmes de logement et d’itinérance soient traités comme des urgences nationales, le Canada s’en est largement lavé les mains ». Il rappelle que le gouvernement fédéral ne consacre que 253 millions $ par année à l’échelle du Canada à l’aide aux ménages mal-logés et qu’il continue de laisser les subventions à long terme versées à des dizaines de milliers de logements sociaux prendre fin à chaque année, ce qui en compromet l’accessibilité financière pour les ménages les plus vulnérables.

Des espoirs

Amnistie internationale, le FRAPRU et la Ligue des droits et libertés espèrent que les recommandations dans le rapport que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels publiera au début du mois de mars seront enfin entendues par le nouveau gouvernement fédéral, et surtout le Québec qui a des responsabilités à tenir. D’ailleurs en cette année qui marque les 40 ans de la Charte des droits et libertés du Québec, il serait opportun de donner enfin le plein accès à la justiciabilité des droits économiques et sociaux. Sans recours juridique, l’ajout pourtant innovateur de ces droits dans la Charte, n’a que peu de valeur. Les trois organisations demandent au gouvernement du Québec de proposer de changer l’article de la Charte qui restreint ces droits.

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