Le harcèlement et les violences sexuelles vécus par les femmes locataires dans leur logement doivent cesser !

Crédit photo: Centre d’éducation et d’action des femmes

Mélanie a été agressée sexuellement par son propriétaire, chez elle, après que celui-ci l’ait droguée ; Rigorta, par son concierge, suite à des menaces et des gestes violents; Nathalie, par son propriétaire, après des mois de harcèlement, de commentaires sexistes, de regards et de gestes déplacés. Quand cette dernière est allée voir la police, elle n’a pas été prise au sérieux.

Les femmes victimes de leur propriétaire, co-chambreur, concierge ou gestionnaire d’immeuble sont le plus souvent en situation de vulnérabilité et de précarité. Ces agressions étant commises dans la sphère privée, les femmes qui en sont victimes restent souvent invisibles, tant la loi du silence et la pauvreté les contraignent à se taire, de peur, entre autre, de perdre leur logement. Rappelons que les Québécoises locataires qui vivent seules ont un revenu médian d’à peine 24 432 $ par année. Pas étonnant que 48,4% d’entre elles doivent consacrer 30% et plus de leur revenu au logement, alors que cette proportion n’est que de 42,7% chez les hommes. Dans ce contexte, combien de femmes, parmi les plus vulnérables, sont ainsi isolées et abandonnées à leur sort?

Bien que le harcèlement et les violences sexuelles faits aux femmes locataires dans leur logement soient peu connus et difficilement quantifiables, Mélanie, Rigorta et Nathalie ne sont pas des cas isolés. En effet, le Centre d’éducation et d’action des femmes (CÉAF) a accueilli, ces 4 dernières années, les témoignages de plus de 200 femmes locataires et chambreuses dénonçant des entrées par effraction, des tentatives d’extorsion ou du chantage pour obtenir des rapports sexuels, de la part d’hommes exerçant un pouvoir sur leur droit au logement. Une tournée du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) à l’automne 2017, tout comme la Commission populaire itinérante qu’il a initiée en 2012, ont révélé la récurrence des témoignages de violences sexuelles et de harcèlement vécus par les femmes locataires. Aussi, la Ligne-ressource provinciale pour les victimes d’agressions sexuelles observe que les violences sexuelles vécues par les femmes locataires dans leur logement constituent un enjeu important.

S’agissant d’un grave déni du droit au logement et d’un système social qui perpétue les violences faites aux femmes, les mouvements féministes et ceux pour le droit au logement ont lancé, en septembre 2016, une campagne pour lutter contre les violences sexuelles vécues par les femmes dans le logement.

Malgré des actions d’éducation populaire et de pression, dont le dépôt d’une pétition à l’Assemblée nationale qui a récolté des milliers d’appuis, le gouvernement du Québec n’a pas encore agi pour remédier à cette situation intolérable.

Bien que les investissements supplémentaires annoncés le 7 mars 2018, par les ministres de la condition féminine et de la santé publique, pour lutter contre les agressions sexuelles et la violence conjugale, soient un pas en avant, il manque des mesures concrètes pour les femmes locataires, telles que celles revendiquées par la campagne, soit: que les droits et les recours des femmes victimes de violence soient plus visibles dans le formulaire de bail obligatoire; que tel que prévu dans la stratégie gouvernementale actuelle pour prévenir et contrer les violences sexuelles, que la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC) soit analysée et amendée, afin d’y inclure toute victime de crime contre la personne ou du moins, les victimes de harcèlement criminel et de menace. Dans l’attente d’une nouvelle Stratégie gouvernementale sur les violences sexuelles, le gouvernement du Québec devrait s’engager notamment à financer et à mener une campagne publique de sensibilisation sur ce thème.

Il est temps que Québec adopte des mesures concrètes !

Lettre d’opinion pour la campagne contre les violences faites aux femmes dans le logement signée par :

Céline Magontier, pour le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU)

Marie-Eve Desroches et Julie Leblanc, pour le Centre d’action et d’éducation des femmes (CÉAF)

Mylène Gauthier, Centre pour les victimes d’agression sexuelle de Montréal

Kesnamelly Neff, pour le Réseau québécois des OSBL d’habitation (RQOH)

Caroline Deslauriers, pour le CALACS de l’Ouest-de-l’Île (Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel)

Manon Monastesse, pour la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes (FMHF)

Marjolaine Deneault, pour le Regroupement des comités logements et associations de locataires du Québec (RCLALQ)