Logement et pauvreté: De nouvelles données confirment le besoin pressant de logements sociaux à Sherbrooke

Sherbrooke, le 29 janvier 2019 — Les locataires de Sherbrooke sont parmi les plus pauvres au Québec et c’est d’abord l’insuffisance de revenus qui explique leurs problèmes de logement.  C’est un des constats faits par le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) et l’Association des locataires de Sherbrooke, lors de la présentation de données locales du recensement de 2016, que le FRAPRU a obtenues spécialement de Statistique Canada. 

Selon ces données, réunies dans la septième édition du Dossier noir sur le logement et la pauvreté au Québec du FRAPRU, le revenu médian des ménages locataires de la région métropolitaine de recensement (RMR) de Sherbrooke est de seulement 33 707 $ par année.  C’est 2,3 fois moins élevé que celui des propriétaires et 3685 $ inférieur à celui de l’ensemble des locataires du Québec.  « Pas étonnant qu’un locataire de Sherbrooke sur trois doive réserver plus que la norme de 30 % de son revenu pour se loger », constate Alain Roy, porte-parole de l’Association des locataires de Sherbrooke.

Besoins pressants à Sherbrooke

Certains des locataires de Sherbrooke sont particulièrement mal pris.  C’est le cas notamment des jeunes et des personnes âgées.  Ainsi, ceux de 15 à 24 ans ont un revenu annuel de seulement 26 924 $ et plus de quatre sur dix ont un taux d’effort dépassant la norme de 30 %.  Les aînéEs sont également en mauvaise posture, particulièrement les ménages locataires dont le principal soutien financier a 75 ans ou plus.  Leur revenu médian ne dépasse pas 26 710 % par an, leur loyer médian est plus cher que la moyenne et près de 51 % d’entre eux ont un taux d’effort dépassant 30 %.

Les personnes seules sont également dans l’embarras.  Elles représentent plus de la moitié de ménages locataires sherbrookois et leur revenu médian est de seulement 22 515 $ par an.  Bien que leur loyer soit inférieur à la médiane de l’ensemble des locataires de la ville, 9230 ont un taux d’effort excessif, soit presqu’une sur deux.

Les ménages immigrants récemment installés au pays vivent aussi des dénis du droit au logement.  Ils sont proportionnellement beaucoup plus nombreux à vivre dans un logement trop petit.  Si ce problème touche 3,5 % de l’ensemble des locataires de Sherbrooke, cette proportion grimpe à 29 % dans le cas des locataires sherbrookois installés au Canada depuis 2011.

Les gouvernements interpelés

« Il y a 1705 ménages locataires de Sherbrooke qui voient disparaitre 80 % et plus de leur revenu en loyer, mois après mois; au Québec, on en compte 82 085 », ajoute Marie-José Corriveau, coordonnatrice du FRAPRU.  « Ces seuls chiffres devraient faire frémir les gouvernements supérieurs et les convaincre de passer à l’action », invoque-t-elle.

À la lumière des données récentes de la Société canadienne d’hypothèques et de logement sur le marché locatif, l’Association des locataires de Sherbrooke craint une nouvelle pénurie de logements, aggravant encore les choses.  L’organisme rappelle en effet que, dans la RMR de Sherbrooke, au cours de la dernière année, le taux d’inoccupation des logements locatifs a dégringolé de 5,3 % à 2,6 %, passant sous le seuil d’équilibre.  « Lorsqu’il y a une telle rareté de logements s’installe, non seulement des gens risquent de se retrouver sans logis ou dans des situations d’hébergement indésirables, non seulement les cas de discrimination augmentent au moment de la location, mais ça entraine aussi des hausses de loyer abusives, sur lesquelles on ne peut plus revenir », insiste Alain Roy.

Dans cette conjoncture, le FRAPRU et l’Association des locataires de Sherbrooke pressent les ministres des Finances, Bill Morneau et Éric Girard, de prévoir des investissements ambitieux pour le logement social dans leurs prochains budgets.  Ils donnent en exemple le programme Accès-Logis du Québec, dont les paramètres financiers doivent absolument être indexés, ce qui n’a pas été fait depuis 10 ans.  « Une mise à jour sérieuse du programme et un réinvestissement sont indispensables, non seulement pour permettre la construction des milliers de logements sociaux prévus par le gouvernement sortant qui ne sont toujours pas bâtis, mais aussi pour en réaliser d’autres, comme celui de la rue Wellington Sud », précise Marie-José Corriveau.  De même, elle rappelle que le gouvernement Trudeau n’a toujours pas dépensé l’essentiel des 40 milliards $ qu’il a prévus pour réaliser sa Stratégie sur le logement.  « Quand il est passé dans la région, le 15 janvier dernier, le ministre Duclos promis que ces investissements seraient faits dès ce printemps; on compte sur lui pour que ce soit fait », ajoute Alain Roy.  « Chose certaine, vu la gravité des besoins actuels en logement, refuser d’investir maintenant dans le logement social serait impardonnable », insiste-t-il.

Une œuvre qui fait voir le désarroi des mal-logéEs

Au moment de révéler ces données sur le logement, le FRAPRU et l’Association des locataires de Sherbrooke ont également dévoilé une lanterne géante réalisée par l’artiste engagée Claude Majeau.  L’œuvre a été conçue avec la participation de locataires pauvres de Sherbrooke, qui ont exprimé, par des dessins et des mots, leurs mauvaises conditions de logement et les espoirs qu’ils ont de voir leur situation enfin changer.  « Derrière tous ces chiffres, il y a des personnes qui souffrent », explique Claude Majeau.  « J’ai voulu leur donner une voix et j’espère qu’elle sera entendue! », conclut-elle.

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