Témoignages des marcheuses et marcheurs Jean-Pierre, Julie, Nancy et Patricia

Voici les témoignages de Jean-Pierre, Julie, Nancy, et Patricia qui ont marché un tronçon ou l’entièreté des 550 km.

Témoignage de Jean-Pierre East, militant au Comité BAILS d’Hochelaga-Maisonneuve (Montréal)

La grande marche Ottawa-Québec! 

Je dois dire que j’étais un peu hésitant! Les grandes chaleurs que l’on a en été et la vie du groupe sur une longue période m’ont fait hésiter. J’ai d’abord fait la première journée à partir d’Ottawa pour revenir en voiture à Montréal le soir venu. Il y a eu de la pluie une bonne partie de la journée de marche et pour le retour, il tombait des clous! De retour à Montréal, j’ai vu les photos au jour le jour des marcheurs et marcheuses et je me suis dit « merde…j’aurai donc dû! ». Le 13 septembre j’ai accompagné la marche lors de la traversée de Montréal, c’est là que j’ai eu des ampoules qui m’ont suivi pour le reste du voyage. Le 14 septembre, je rejoignais la marche de façon permanente lors du départ du CEDA.

La chaleur était épouvantable mais somme toute moins pire que celle de la ville, au moins il y avait du vent et la vie du groupe s’avéra être fantastique. Marcher ne m’inquiétait pas trop, on prend ça au jour le jour et un pas à la fois. S’agit de s’occuper l’esprit et faire connaissance et discuter avec les autres de tout et de rien et admirer le paysage qui change de la ville. Je suis arrivé à Québec avec un sentiment partagé entre la tristesse et la joie, tristesse que ce soit fini et joie d’avoir réussi! Quelques mots me vienne à l’esprit en pensant au groupe : Ténacité, solidarité, entraide et respect.

Nous marchions pour le droit au logement, le droit d’avoir un toit, le droit à la sécurité d’un chez soi. Nous marchions pour toutes les personnes qui dorment dans la rue. Nous marchions contre l’injustice qui règne ici où le gouvernement donne des milliards aux compagnies qui votent des augmentations royales à leurs dirigeants qui ne les méritent pas. Nous marchions pour plus de logement social pour contrecarrer la spéculation immobilière qui a libre cours. Nous marchions et nous marcherons!


Témoignage de Julie Parent, intervenante communautaire en logement à l’organisme MonChez Nous, à Gatineau, depuis 14 ans

Pour une société inclusive, solidaire et égalitaire

Je me suis inscrite à la grande marche De villes en villages pour le droit au logement parce que je crois que tout humain a le droit d’être logé dans un milieu de vie sécuritaire, adapté, salubre et à un prix abordable. Je constate malheureusement que la demande de logements à prix modique est grandissante, pas juste en Outaouais, mais bien à la grandeur du Québec. Je me suis lancée dans cette aventure ne sachant pas si physiquement et psychologiquement je me rendrais jusqu’au bout; je me sous-estimais!

À chaque jour, je marchais en pensant aux personnes fragilisées, aux locataires hébergés de MCN que j’affectionne énormément et qui aujourd’hui vivent dans un endroit qui respecte leur intégrité. Je me disais : « Continue, Julie, il faut porter leur voix jusqu’à Québec, trop de personnes attendent pour être logées. » La solidarité du groupe de marcheurs et marcheuses, l’encouragement et le soutien des uns envers les autres ont été extraordinaires. Les personnes rencontrées sur notre chemin, l’accueil et les partages furent tellement touchants et enrichissants. Ce fut pour moi un cheminement intérieur, une introspection de mes valeurs, de mes choix de vie… en gros, un bon ménage d’automne.

Je suis persuadée que les efforts, les kilomètres parcourus et la poursuite de nos batailles pour le logement social porteront leurs fruits. Il est clair, que nous avons encore du travail à faire mais j’ose rêver à un vent de changement. Merci au FRAPRU d’avoir fait de cet évènement, une expérience de vie qui me suivra longtemps. Ça me motive à m’impliquer encore plus dans ma communauté et à créer petit pas à petit pas un changement de société pour une société inclusive, solidaire et égalitaire entre les humains!


Témoignage de Nancy Lévesque, citoyenne de Sherbrooke et militante pour la justice sociale

De villes en villages pour le logement social

Mon périple de 11 jours s’est tenu du 2 au 13 septembre, durant lequel environ 210 km ont été parcourus, reliant ainsi Ottawa à Montréal, pour inciter les gouvernements à respecter leurs engagements vis-à-vis le logement social.

Je dois vous avouer que je suis rentrée chez-moi à contrecœur. J’aurais bien aimé continuer à marcher, car ce fut une expérience unique, belle et riche. Évidemment, il y avait des périodes de hauts et de bas et…des ampoules aux pieds, rappelant ainsi que rien ne se fait sans une part de souffrance et d’efforts. Mais la force du groupe et les liens qui se tissent entre marcheurs et marcheuses rendent l’expérience et le partage d’expériences plus faciles. Je dois aussi en profiter pour souligner l’accueil fait par les différents villages et leurs communautés. Un témoignage vivant de leur solidarité.

Dans un premier temps, cette aventure est venue répondre à des interrogations que j’avais. D’abord sur mes capacités physiques à entreprendre un tel voyage. Ensuite, je voulais aussi expérimenter le groupe, le « vivre ensemble » en proximité. L’expérience d’assemblée démocratique à la manière du FRAPRU, le partage des tâches, le soutien entre marcheurs et marcheuses et les soirées en dortoirs. Néanmoins, ceci a aussi contribué à travailler ma tolérance, la confiance en les autres et le lâcher-prise.

Ensuite, côté personnel, j’ai appris à mieux me connaître : des beaux côtés et des côtés à travailler. Également, le contact et les partages avec les autres m’ont fait un grand bien. Ils m’ont permis d’évoluer dans mon cheminement.

Enfin…Revenir à soi pour être en mesure de mieux revenir vers les autres. Expérimenter… je ne le dirai jamais assez. Les expériences les plus diverses nous forment et nous révèlent à nous-même. Pour moi, ce fut une expérience qui me relie à ma vraie nature, en cohérence avec mes valeurs et qui m’a permis de m’entourer de gens dont les préoccupations sociales ou personnelles sont similaires aux miennes.


Témoignage de Patricia Viannay, organisatrice communautaire au POPIR-Comité logement (Sud-ouest de Montréal)

Nous avons marché pour le droit au logement…et nous marcherons encore !

Ce témoignage est un extrait d’un texte publié dans le numéro 77 de la revue À Bâbord.

La Marche a été un moment exceptionnel de solidarité, l’opportunité de renforcer mes convictions et un exercice de persévérance : tous les ingrédients d’une lutte que le mouvement mène sans relâche depuis 40 ans.

La journée d’une marcheuse était longue puisqu’il fallait souvent se lever vers 6 heures du matin, préparer notre déjeuner, faire le ménage, ranger nos affaires personnelles ainsi que les affaires du groupe dans le camion. Il fallait ensuite enfiler les kilomètres, préparer le dîner, marcher à nouveau, préparer le souper, prendre une douche quand il y en avait (!). Chaque soir, nous, tenions une Assemblée des marcheuses et marcheurs et nous arrivions vite à notre couvre-feu de 22 heures.

La journée d’une marcheuse était physiquement éprouvante. Nous marchions en moyenne 20 kilomètres par jour, parfois jusqu’à 28. Nous sommes partis avec l’été à Ottawa et avons fini avec l’automne à Québec. La fatigue et la vie de groupe ont parfois mis notre patience à rude épreuve.

Mais nous savions que nous marchions pour la bonne cause. Tout le monde avait vécu au moins une histoire dramatique de logement et plusieurs d’entre nous savions qu’il y a une solution grâce au logement social. Entendre la dignité, la santé, la stabilité, l’espoir retrouvés grâce au logement social nous donnait le goût de repartir chaque matin.

Finalement, il y avait ces « moments de grâce » comme les appelaient une marcheuse : ces moments où on se sentait en famille, on riait autour d’un feu, une personne se livrait, se racontait, on improvisait et on chantait en cœur, on jouait aux quilles à 9h du matin, on partageait nos lectures, nos réflexions, on se perdait puis retrouvait notre chemin dans le champ de maïs, on jouait au loup-garou, etc.

Il y aurait tant à raconter sur l’expérience. Mais je crois que la marche ne fait que commencer. Nous avons montré la force, le courage, la résilience, la légitimité de notre mouvement. Nous avons sensibilisé, nous avons créé et renforcé des liens. Nous avons vu sur notre chemin beaucoup de richesse qu’il faut partager parce que nous avons aussi vu les communautés qui n’en ont pas assez et qui manquent cruellement de logements sociaux. Le logement n’est toujours pas un droit mais nous marcherons, tant qu’il le faudra !