Lac-Simon: « Une goutte d’eau sur un feu de forêt! »

Trois maisons  : c’est tout ce que les fonds octroyés par le gouvernement fédéral ont permis de construire en 2012 dans la communauté anishnabe (algonquine) de Lac-Simon, située à 32 kilomètres au sud-est de Val-d’Or, en Abitibi. Trois maisons, alors que le besoin est de 300, comme en a témoigné Salomée McKenzie, cheffe du Conseil de la nation anishnabe de Lac-Simon, lors de la dernière audience de la Commission populaire qui s’est déroulée dans cette communauté, le 23 novembre. Trois maisons, alors que la population a augmenté de 20 % depuis le recensement de 2006, que près de 18 % des logements étaient déjà surpeuplés à ce moment et qu’on enregistre une soixantaine de naissances par année… Trois maisons que la cheffe a qualifiées à raison de «  goutte d’eau sur un feu de forêt  ».

Lac-Simon, une petite communauté de 1400 personnes qui a le statut de réserve, vit une situation moins extrême que la communauté voisine de Kitcisakik qui jusqu’à tout récemment ne disposait d’aucune installation permanente telle que l’eau courante, l’électricité et des installations sanitaires de base ((La situation du logement a récemment été un déclencheur de la grève de la faim de la cheffe d’Attawapiscat, Theresa Spence, et du mouvement Idle No More, que le FRAPRU a appuyés.)). Elle est néanmoins aux prises avec des problèmes dramatiques. Les maisons qui devraient normalement loger 4 personnes en hébergent jusqu’à 15 ou même 18, avec tous les problèmes sociaux qui accompagnent une telle promis­cuité  : chicanes, violences, abus sexuels, risques de contagion, toxicomanie… Non seulement les habitations se détériorent-elles rapidement, mais plusieurs sont aux prises avec des problèmes sérieux de moisissures.

Des jeunes familles n’arrivent pas à se loger et doivent être hébergées avec leurs enfants chez des parents ou des connaissances avant que les tensions, qui ne manquent pas de se développer, les obligent à déménager sous un autre toit et à revivre le même manège. Un père de quatre enfants et une mère de deux ont tour à tour expliqué aux commissaires que la Direction de la protection de la jeunesse menaçait de leur enlever leurs enfants, compte tenu de leur situation de sans-logis. Selon un des membres de la communauté ayant pris part à l’audience, une centaine de jeunes familles sont ainsi à la recherche d’une maison à Lac-Simon.

C’est pour éviter que les enfants ne soient arrachés à la communauté, comme à l’époque des écoles résidentielles, que des parents acceptent de jouer le rôle de familles d’accueil pour leurs propres petits-enfants ou d’autres enfants de Lac-Simon. Les commissaires ont eu l’occasion de visiter deux maisons, déjà surpeuplées, où les grands-mères accueillent respectivement quatre et cinq enfants ou adolescents. Les sous-sols non-aménagés peuvent accueillir cinq ou six personnes qui s’entassent, sans intimité, sur des matelas posés directement sur le plancher. Certaines dorment à tour de rôle, faute de place. Les familles rencontrées paient environ 600 $ par mois de loyer. À cela, s’ajoutent les frais d’électricité de maisons mal isolées et parfois pas isolées du tout qui leur coûtent autour de 200 $ par mois.

Les conditions désastreuses de logement vécues à Lac-Simon ont évidemment des répercussions sur le respect des autres droits des Anishnabe, notamment celui à l’éducation. La directrice d’école de la communauté l’a illustré, en montrant comment le surpeuplement des logements joue sur les capacités d’apprentissage des enfants et sur leur attention à l’école.

Aussi dramatique dans les autres communautés

La Grande cheffe de la Nation anishnabe, Alice Jérôme, a confirmé devant la Commission que le problème du logement n’est pas le propre de Kitcisakik ou de Lac-Simon. Rappelant que le taux de suicide est de 5 à 8 fois plus élevés dans les neuf communautés anishnabe qu’à l’échelle du Québec, la Grande Cheffe a notamment raconté qu’une femme s’est suicidée, après avoir perdu ses enfants, parce qu’elle n’avait pas de logement. Elle s’en est pris au gouvernement fédéral qui multiplie les études sur la situation, mais qui accorde de moins en moins de ressources aux communautés pour faire face aux problèmes pourtant grandissants  : «  Arrêtez de nous étudier. Faites quelque chose  !  ».

Alice Jérôme a précisé que les 9 communautés avaient au total besoin de 1 309 nouveaux logements, ainsi que d’un vaste chantier de rénovations résidentielles majeures.

Jerry Polson, chef de la petite communauté de Winneway (Long Point First Nation), au Témiscamingue, a expliqué que 60 nouvelles maisons y étaient nécessaires, mais que rien n’était fait en ce sens, malgré la prospérité économique de la région  : «  On voit beaucoup de camions qui passent, mais ce n’est pas pour construire des maisons dans nos communautés. On ne bénéficie pas de nos ressources naturelles  ».