Montérégie: « Un HLM, ça change pas une vie, mais ça aide à mieux la vivre »

L’émotion était très grande à Longueuil, le 21 novembre. Les trois groupes impliqués dans l’organisation de l’audience de la Montérégie (le Comité logement de la Rive-Sud, la Maison la Virevolte et le Comité logement Beauharnois) avaient prévu une «  valise des commissaires  » dans laquelle les personnes qui prenaient la parole pouvaient déposer un objet représentant pour elles le droit au logement.

Le Comité logement Rive-Sud a ouvert le bal en brossant un portrait d’ensemble de la situation du logement dans la région, une situation marquée par des inégalités croissantes entre riches et pauvres. Si la pénurie de logements est en principe terminée, elle a contribué à faire gonfler excessivement le prix des logements. Ainsi, le loyer moyen a augmenté de 21 % depuis 2005 dans la MRC du Roussillon et à Beauharnois. Pour les gens à faible et à modeste revenus, il y a donc toujours une crise du logement. «  Ce qui se loue à La Prairie présentement, c’est des garages  !  », a déclaré avec urgence François Giguère, coordonnateur du Comité logement. Le Groupe Actions Solutions Pauvreté (GASP) de Granby a d’ailleurs souligné l’accroissement et l’aggravation de l’itinérance dans la région de la Haute-Yamaska, comme partout au Québec.

Longueuil, capitale du condo

La transformation effrénée du parc locatif en condos a été pointée du doigt par la Maison La Virevolte, qui a rappelé que, de 2003 à 2009, 30 % de toutes les conversions de logements locatifs en condominiums du Québec ont eu lieu sur le territoire de Longueuil où il n’existe toujours pas de moratoire [1]. «  Les gens sont chassés de chez eux, déracinés  », a souligné Julie Leblanc, travailleuse de l’organisme. Nulle surprise d’apprendre qu’en Montérégie, le manque de logements sociaux, beaucoup moins nombreux en proportion que dans la région montréalaise, se fait aussi sentir. «  Dans les villes de Montérégie où il y a des politiques qui encouragent le logement social, on constate des effets mesurables  », a affirmé François Giguère. Il en va de même pour les villes qui se sont dotées de codes du logement, comme Châteauguay, par exemple. «  Si ça ne règle pas tout, ça aide  », a-t-il ajouté.

Marie-Claire MacLeod, de l’organisme Entraide Chez-nous, avait quant à elle apporté un symbole particulier pour garnir la valise des commissaires  : «  Je dépose un morceau de gyproc parce que ce dont on a besoin pour le droit au logement, c’est de logement social  !  », s’est-elle exclamée. Mme MacLeod a expliqué comment les Habitations Communautaires Longueuil entendent socialiser les Terrasses Mousseau, réputées en mauvais état, pour permettre à des personnes à faible revenu d’améliorer leurs conditions de logement.

Mal préparée à… la pauvreté

L’audience en Montérégie a été marquée par une forte présence et une participation de jeunes, ce qui ne s’est pas produit dans beaucoup d’autres régions. Un homme a fait un slam pour parler de la discrimination dont les jeunes sont l’objet. «  Le droit au logement n’est pas un privilège  !  » a-t-il scandé. Une femme, récemment sortie des centres jeunesse, est venue raconter comment les jeunes sont peu préparés à la dure réalité qui les attend à leur sortie de l’institution. «  On ne te prépare pas à vivre dans la pauvreté  », a-t-elle dit. «  Pourtant, c’est ça qui t’attend  ».

De nombreux témoignages individuels ont fait état des dures conditions de vie des locataires qui doivent vivre dans des logements insalubres et n’ont pas les moyens financiers de quitter les lieux. Une jeune femme a raconté comment elle avait été coincée avec son jeune bébé et son père dans un logement rempli de champignons, sans argent pour déménager. «  Les gens pensaient que j’étais une mauvaise mère, mais je n’avais juste pas d’alternative. Je ne pouvais juste pas sortir de là  ! Ils ont trouvé des champignons sur les poumons de mon père. Mon bébé est en attente de résultats.  »

Une autre intervenante a renchéri  : «  Il n’y a pas d’inspecteurs pour faire respecter nos droits  ». L’impact des conditions de vie inhumaines sur la santé mentale des personnes, notamment celles qui vivent déjà une certaine rupture sociale, a été décrié par une intervenante de Macadam Sud. L’organisme constate aussi sur le terrain qu’il est difficile pour les personnes vulnérables de défendre leurs droits. André Bilodeau, du Réseau Habitation Chez soi, a expliqué  : «  Quand t’es pauvre, tu ne peux pas t’offrir un milieu qui peut favoriser ton rétablissement  ».

Une femme vivant avec un handicap physique a raconté comment elle souffrait d’avoir été déracinée de son milieu pour avoir accès à un HLM, situé à 50 km de son village, de sa famille, de ses amies. Elle attend depuis longtemps un logement social dans son milieu  : «  Je tiens à un fil, celui du téléphone  », a-t-elle affirmé avec émotion. Une autre femme a également livré un témoignage émouvant sur les besoins en logement social des familles qui vivent avec un enfant handicapé. Pour symboliser le droit au logement, elle avait apporté une photo encadrée de son fils autiste pour la déposer dans la valise des commissaires.

Ça change pas le monde, sauf que…

L’impact positif des HLM a été souligné par de nombreux locataires. Une cheffe de famille monoparentale a expliqué comment le logement social avait permis à ses enfants d’avoir accès à des études supérieures et à des loisirs lorsqu’ils étaient petits. Elle a résumé ainsi  : «  Un HLM, ça change pas une vie, mais ça aide à mieux la vivre  ». Le Comité logement Beauharnois a tenu à rappeler que le développement de logements sociaux est difficile et que le phénomène du «  pas-dans-ma-cour  » est bien présent. À cet effet, le Centre des femmes de Belœil, l’Essentielle, a expliqué qu’un projet de logement social a été comparé par des citoyens de cette ville, à la venue d’une usine de déchets toxiques  !

Le Carrefour Le Moutier, qui vient en aide aux nouveaux arrivants, a quant à lui dénoncé la discrimination dans l’accès au logement dont sont victimes les minorités «  visibles  » mais aussi «  audibles  ». «  Quand tu appelles et que tu as un accent, le logement n’est plus disponible  », a expliqué la porte-parole. Un intervenant du Bureau Consultation Jeunesse a corroboré ses dires  : «  Pour avoir un logement, les personnes réfugiées doivent souvent donner un dépôt de trois à six mois d’avance parce qu’elles n’ont pas de crédit… Quand tu n’as pas le droit de travailler… Qu’est-ce que tu fais  ? Beaucoup de personnes immigrantes restent, pour la population d’accueil, des personnes immigrantes toute leur vie  ».