Harper et le logement: la loi du laisser-faire

P. 3 Bannière de tête sur rue Boisseau (P. Landry)Élu pour la première fois à la tête d’un gouvernement majoritaire, le 2 mai 2011, Stephen Harper a carrément adopté la politique du laisser-faire dans le domaine de l’habitation.

Il a tout d’abord poursuivi les investissements fédéraux dans le logement dit abordable, en annonçant leur prolongation jusqu’à la fin mars 2019. Le budget consacré à l’aide à des ménages considérés comme toujours mal-logés stagne cependant à son niveau de 2001, soit 250 millions $ par année. Compte tenu de la hausse du coût de la vie et surtout de celle des coûts de la construction, cette somme, déjà très largement insuffisante, il y a quinze ans, est devenue carrément ridicule.

Quant au financement à long terme consacré au parc actuel de logements sociaux, le gouvernement conservateur a laissé passer sa dernière chance d’en annoncer la prolongation, lors de son budget du 21 avril dernier. Or, le nombre de logements sociaux recevant toujours des subventions fédérales est passé de 587 000 à la fin de 2010 à 553 700 à la fin de 2014, pour une baisse de 33 300. En 2015, quelque 25 000 logements sociaux additionnels ne recevront plus un sou d’Ottawa.

Dans une lettre adressée au FRAPRU, le 23 juin 2015, la ministre d’État au développement social du gouvernement Harper, Candice Bergen, justifie l’inaction conservatrice dans ce domaine : « Comme vous le comprenez certainement, la majorité des coopératives d’habitation et des ensembles de logement sans but lucratif (qu’ils soient administrés par une province ou un territoire ou par le gouvernement fédéral) devraient être financièrement viables et n’avoir aucune dette hypothécaire à l’expiration des accords d’exploitation. Cela signifie que les fournisseurs de logements se retrouveront avec des actifs immobiliers et observeront une baisse de leurs dépenses de fonctionnement dont ils pourront tirer profit pour continuer à offrir des logements abordables. »

Voici une belle illustration du déni dans lequel se cantonne le gouvernement conservateur dans ce dossier. L’argument de Mme Bergen ne prend en effet pas en compte l’âge des ensembles de logements sociaux concernés et le besoin de rénovations majeures auxquels ils seront presque tous confrontés à la fin de leur hypothèque actuelle. Les immeubles datent en effet de 35 et parfois même de 50 ans. De nouvelles hypothèques devront être contractées, dont certaines qui leur imposeront des dettes pour plusieurs années.

Quant à l’offre de « logements abordables » dont parle la ministre Bergen, il est vrai que les logements sociaux continueront d’offrir des loyers inférieurs à ceux du marché privé. Faute de financement fédéral, les organismes de logement social ne seront cependant plus capables de rabaisser, comme ils le font présentement, le loyer des ménages à plus faible revenu qui y demeurent, de manière à ce que celui-ci soit fixé en fonction de leur capacité de payer. Ces locataires, de même que l’ensemble des ménages qui auront accès à leur logement à l’avenir, devront donc payer beaucoup plus cher que ce n’était le cas avant la fin des subventions fédérales.

Et l’itinérance ?

Le gouvernement conservateur n’a pas fait mieux dans le domaine de l’itinérance. Non seulement son budget de mars 2013 a-t-il diminué de 15,8 millions $ par année les fonds déjà insuffisants consacrés à la Stratégie des partenariats de lutte contre l’itinérance (SPLI), mais il a imposé un carcan aux organismes communautaires qui y avaient recours. Il a en effet décidé de donner presque toute la place à une seule approche, celle du « Logement d’abord » consistant à louer des logements, très majoritairement privés, pour y faire entrer des personnes sans abri aux prises avec des problèmes de santé mentale.

Ce choix, qui a lourdement pénalisé les organismes privilégiant d’autres approches, qui avaient elles aussi fait leur preuve, a entraîné une levée de boucliers au Québec où il a été contesté aussi bien par le Réseau SOLIDARITÉ Itinérance Québec (RISQ) que par tous les partis représentés à l’Assemblée nationale. Le gouvernement Harper a cependant fait fi de toutes les protestations et imposé son approche partout au Canada, y compris au Québec, dans ce cas, avec la complicité du gouvernement Couillard

Un bilan plus général du gouvernement Harper est aussi disponible 

Photo: Au fil des ans, plusieurs manifestations ont tenté sans succès d’attirer l’attention du gouvernement Harper sur la nécessité de renouveler les subventions au parc actuel de logements sociaux (photo : Patrick Landry).