L’austérité n’épargne pas l’habitation

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Le budget 2014-2015 du ministre québécois des Finances, Carlos Leitao, prévoyait des investissements de 250 millions $ pour la réalisation de 3000 logements sociaux dans le cadre du programme AccèsLogis, dont 500 réservés à des personnes itinérantes. Est-ce à dire que l’habitation a été épargnée par les mesures d’austérité annoncées à cette occasion? Ce n’est malheureusement pas le cas.

Ainsi, le Budget des dépenses, présenté par le président du Conseil du Trésor, Martin Coiteux, réduisait de 28 millions $ les sommes consacrées à « l’aide à l’amélioration de l’habitat ». On connaît aujourd’hui les effets concrets de cette annonce. Aucun financement n’est prévu en 2014-2015 pour les programmes RénoVillage et Réparations d’urgence qui s’adressent tous deux à des propriétaires occupants à très faible revenu demeurant en milieu rural. Il en est de même de Rénovation Québec qui, pour sa part, subventionne les rénovations majeures faites par des propriétaires de logements locatifs en milieu urbain. Des villes, dont Montréal, utilisaient jusqu’ici une partie importante de ces sommes pour bonifier leur contribution à la réalisation de logements sociaux dans le cadre d’AccèsLogis. Enfin, le programme Logements adaptés pour aînés autonomes, déjà suspendu en 2013-2014, reste sur la glace pour au moins une autre année.

Le pire pourrait être à venir

Tout cela ne pourrait cependant n’être qu’un avant-goût de ce qui attend l’habitation dans le prochain budget. Comme tous les ministères et organismes gouvernementaux, la Société d’habitation du Québec (SHQ) a participé à l’exercice de révision des programmes dont l’objectif immédiat était d’identifier des compressions de l’ordre de 3,2 milliards $ en 2015-2016. Dans le cas de l’habitation, la consultation visait à évaluer la « pertinence de la SHQ et de ses programmes dans le contexte actuel », ainsi qu’à juger du rendement de ses interventions.

Aux dires mêmes des principaux dirigeants de la SHQ, tout est sur la table. Les pires hypothèses peuvent donc être envisagées, dont l’arrêt, la suspension ou la réduction du financement de nouveaux logements sociaux avec AccèsLogis, la suspension du Programme d’adaptation de domicile pour les personnes handicapées ou encore des hausses de loyer dans les HLM et autres logements sociaux existants. Cette dernière possibilité est la moins probable. Comme le gouvernement fédéral est celui qui absorbe encore la majeure partie des coûts de ces logements, c’est lui qui bénéficierait le plus d’une telle hausse. Elle n’est toutefois pas impossible pour autant.

Pour le reste, il n’y a pas de grands gains à réaliser en coupant dans les interventions de la Société d’habitation du Québec.

Demeure la possibilité que la SHQ elle-même disparaisse et que les municipalités et les municipalités régionales de comté (MRC) se voient confier la pleine responsabilité du domaine du logement. Or, l’attitude récente du gouvernement Couillard, qui a amputé de 300 millions $ l’aide qu’il leur accordait annuellement, permet de croire qu’il ne leur fournirait pas les moyens financiers de s’acquitter décemment de cette responsabilité. Ce sont donc les autorités politiques municipales qui se retrouveraient avec le choix de sabrer dans les programmes, en lieu et place de Québec. Pour les personnes et les familles mal-logées, l’effet serait le même, ou pire encore.

Une question de droits

Dans le mémoire qu’il a présenté lors des consultations de la SHQ, le FRAPRU a rappelé que le Québec ne consacre actuellement que 0,65 % de ses dépenses de programmes à l’habitation, alors que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU a déjà condamné le Canada parce qu’il n’en investissait que 1,3 %.

Le FRAPRU en a conclu: « Non seulement les budgets de la Société d’habitation du Québec ne doivent-ils pas être coupés, mais ils méritent au contraire d’être sérieusement augmentés pour répondre plus adéquatement aux besoins et se conformer aux exigences du Pacte international des droits sociaux, économiques et culturels auquel le Québec a accepté d’adhérer en 1976. L’une de ces exigences est justement d’agir « au maximum des ressources disponibles » pour « assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le Pacte ». Or, c’est loin d’être le cas présentement.[1] »

C’est en ce sens et en lien avec la lutte plus générale contre les politiques d’austérité que le FRAPRU continuera d’intervenir et d’organiser des actions jusqu’au budget.

Photo: Le gouvernement québécois n’a plus de fonds disponibles pour faire des rénovations ou des réparations d’urgence en milieu rural (photo : François Roy).

[1] Le mémoire, Le logement, un droit qui implique des obligations pour le gouvernement, peut être consulté dans la section Documents du site web du FRAPRU : www.frapru.qc.ca.