Montréal, le 16 septembre 2025 – Le lancement de l’organisme Maisons Canada laisse plusieurs questions en suspens, laissant craindre aux groupes de défense du droit au logement que le gouvernement canadien se soustrait de ses responsabilités en ne donnant pas de cibles suffisamment claires à la nouvelle agence fédérale. Le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), un regroupement national québécois de 140 organismes portant la voix des locataires mal-logés est convaincu qu’une plus grande implication du fédéral dans le logement social et communautaire pourrait contribuer à faire progresser la maigre part qu’il occupe sur le parc locatif. Or, le gouvernement n’a pas offert suffisamment de garanties pour atteindre ce résultat.«Ça prend des outils réellement adaptés aux objectifs pour assurer que des logements véritablement abordables et ce, dès l’entrée des locataires, lèveront de terre rapidement», commente Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU.
Dimanche, le premier ministre Mark Carney a présenté Maisons Canada comme une «nouvelle approche ambitieuse» avec «des investissements sans précédent afin d’augmenter l’offre de logements au Canada». Or, malgré l’annonce en grande pompe, plusieurs détails restent flous concernant la nature de ces investissements, notamment la part consacrée aux subventions, les seuils d’abordabilité que le nouvel organisme appliquera et le nombre de ces logements qui seront réellement accessibles financièrement pour les ménages locataires à faible et modeste revenus et pour ceux en situation d’itinérance. Le FRAPRU craint que le gouvernement ne se déleste de ses responsabilités en confiant à la nouvelle agence le soin de fixer ces balises.
Le FRAPRU voit d’un bon œil que la nouvelle agence ait parmi ses objectifs de bâtir «des logements communautaires [des logements sociaux sous différentes formes selon la définition qu’en donne la Stratégie nationale sur le logement] et très abordables pour les ménages à faible revenu». Cependant, le regroupement déplore qu’il n’y ait aucune cible précise sur le nombre et la part occupée par ces logements. Il constate aussi l’absence de définition claire d’abordabilité, pour assurer que les loyers des logements construits correspondent à la capacité de payer des locataires à faible et modeste revenus. Il s’inquiète que le gouvernement ne se soit pas engagé sur la nature du financement ni sur des programmes permettant d’atteindre cet objectif. « Construire des logements communautaires ne garantira pas l’abordabilité si les balises ne sont pas plus claires et surtout si les outils financiers ne sont pas adaptés à une abordabilité immédiate », résume madame Laflamme.
En matière de financement, Maisons Canada dispose d’une enveloppe initiale de 13 milliards $, un montant bien insuffisant compte tenu des besoins à l’échelle canadienne. Surtout, on ne sait pas si ces investissements remplacent ou s’ajoutent à ceux déjà annoncés par le gouvernement Trudeau. Seront-ils simplement transférés comme ce fut le cas pour les 1,5 milliards $ du Fonds pour la protection des loyers? La question reste entière. Malgré les termes pompeux pour décrire Maisons Canada, laissant croire que l’agence publique construira directement les logements, ce qui pourrait être positif selon le FRAPRU, le premier ministre Carney semble surtout compter sur la contribution du secteur privé. Ce dernier répond pourtant à sa propre logique de profitabilité qui a contribué largement à la situation actuelle.
En effet, on ne connaît toujours pas la forme que prendront les outils financiers associés à Maisons Canada. La vision initiale, critiquée par le FRAPRU et d’autres, présente les subventions comme un outil financier parmi d’autres et précise qu’elles seront utilisées « en combinaison avec d’autres outils financiers ». En généralisant cette approche, le gouvernement fédéral rendrait difficile le financement de projets nécessitant uniquement des subventions, met en garde le FRAPRU. Dans le cas des logements publics à loyer modique (HLM) que plusieurs souhaitent voir financés de nouveau à large échelle partout au Canada, ainsi que pour des logements dont les loyers doivent correspondre à la capacité de payer des locataires à modeste revenu, les méthodes préconisées ne sont tout simplement pas adaptées, insiste Véronique Laflamme.
Le FRAPRU fait également remarquer qu’on ne sait toujours pas ce qu’il adviendra de la Stratégie nationale sur le logement, du Plan du Canada sur le logement annoncé il y a moins de 18 mois et des programmes en place comme le Fonds pour le logement abordable pour lesquels plusieurs projets de logements sociaux et communautaires sont en attente de financement au Québec. « Plusieurs organismes de défense du droit au logement attendait un virage dans le soutien fédéral au logement social, mais il ne faut pas changer 4 ving-cinq sous pour une piastre», met en garde la porte-parole du FRAPRU.
En résumé, même si certaines initiatives associées à Maisons Canada pourront accélérer le développement de logements sociaux et communautaires, comme le transfert de la responsabilité de la Société immobilière du Canada au portefeuille de Maisons Canada pour accélérer le développement sur des terrains publics, il y a très peu de certitude sur l’abordabilité réelle des logements construits, la proportion de logements sociaux sur les terrains publics ou les programmes qui serviront à construire ces logements. «C’est pourtant ce qui fait défaut depuis le lancement de la Stratégie nationale sur le logement en 2017. Ottawa ne peut pas faire chou blanc une nouvelle fois et laisser nos communautés affronter seules les conséquences des crises du logement et de l’itinérance, qui ne cessent de s’aggraver», insiste Véronique Laflamme.
Le FRAPRU demande au gouvernement fédéral de clarifier dès le départ les mandats qu’il donne à Maisons Canada et de s’assurer que le financement qu’il accorde à l’organisme est assorti d’orientations claires pour garantir la construction rapide de logements sociaux abordables immédiatement pour les milliers de locataires ayant des besoins urgents et les milliers d’autres déjà en situation d’itinérance en raison de l’insuffisance du filet social. Le budget fédéral du 4 novembre sera crucial pour y arriver. Le FRAPRU a transmis un mémoire pré-budgétaire faisant part de ses recommandations au ministère des Finances et interpellera dans les prochaines semaines les élu•es afin qu’elles soient entendues.
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Informations et entrevues:
Véronique Laflamme: 418 956-3403 (cell.)