On apprenait cette semaine que 3 promoteurs immobiliers se portaient à la rescousse de la crise de l’itinérance en planifiant la construction de 2500 logements sans marge de profit. Par le fait même, ils démontrent qu’en renonçant au profit, on peut faire de grandes choses! Comme livrer des logements destinés aux personnes les plus démunies. Passons sur le fait que le privé se pose ici en sauveur d’une crise dont il est l’un des principaux architectes. Si le cercle vicieux de la démarche dérange, ce qui dérange encore plus c’est la promesse rapide de soutien de la Ville, sans plus de balises ni autres conditions. Car ce type de projet, ce sont justement ceux que portent des groupes locaux et comités logements depuis longtemps, dans l’attente d’un financement adéquat et de conditions d’octroi de terrains similaires. Les terrains publics qui nous appartiennent collectivement ne doivent pas être cédés à des promoteurs : ils doivent servir à développer des logements de propriété sociale.
Les chevaliers de la crise
On sait que les grands promoteurs, notamment ceux du trio, ne respectent pas toujours leurs engagements lorsqu’on leur a cédé des terrains publics pour construire des logements, comme l’a souligné hier le Comité logement Ville-Marie au Conseil d’Arrondissement . C’est le cas du Groupe Mach qui devait livrer des unités en 2023 sur le site de Radio-Canada faute de quoi le terrain devait revenir à la ville. Ces logements se font toujours attendre. Alors que la Ville leur a déjà accordé 3 reports, voilà que le Groupe Mach fait la manchette avec l’annonce de ce nouveau projet. Devimco (Goulet) quant à lui est en partie responsable de l’absence de logement social sur le site public de l’hôpital Montréal Children malgré son engagement initial à s’y conformer. Ces groupes ont non seulement participé à la crise sur le marché privé, mais ils ont carrément entravé des projets de logements sociaux.
On veut des HLM
On présente comme une idée novatrice la proposition des promoteurs d’exécuter un projet dont la Société d’Habitation du Québec (SHQ) serait le maître d’œuvre. Pourtant, ce modèle ressemble fortement à ce qui s’est fait par le passé, des HLM construits par le privé. À l’époque, c’est la Société d’Habitation du Québec (SHQ) qui en avait l’initiative et était aux commandes. Actuellement, un renversement s’opère, le gouvernement suit et le privé mène. Les promoteurs se targuent de faire moins cher sans mentionner les conditions gagnantes qui leur sont concédées à cet effet. Si les mêmes garanties étaient données aux offices d’habitation par exemple, ils pourraient réussir le même “exploit”. Il s’agit d’une affaire de financement bien plus que d’expertise. Expertise qui ne fera que se perdre à force de s’en remettre au privé. Une séquence bien connue des politiques néolibérales qui organisent l’échec du public pour justifier le soutien du privé. Comme le rappelle la FLHLMQ, la SHQ a déjà construit 35 000 HLM en 10 ans avec des bâtisses standardisées.
Avec de la prévisibilité, les porteurs de projets de logements sociaux et communautaires, comme les offices pourraient faire moins cher eux aussi. Surtout, s’il y avait un programme HLM géré par la SHQ, la SHQ aurait les coudées franches. Elle ne serait pas soumise aux mêmes embûches auxquelles font face les offices d’habitation aux prises avec les contraintes de la Loi sur les cités en ville qui contribue à faire gonfler la facture. Les besoins sont là, à un tel point que même les promoteurs se lancent dans le bal philanthropique. Après tout, l’itinérance nuit aux affaires et au “climat d’investissement”, apprenait-on dans la Presse.
On apprend dans ce même article que « dans ce magma de détresse, il y a aussi une frange d’itinérants, plus récente, constituée de gens évincés en raison de la hausse des loyers. Ceux-là sont moins « poqués » et plus aptes à être autonomes en appartement. (…)Et c’est pour eux que trois promoteurs – le Groupe Mach, Devimco et Cogir Immobilier – veulent construire des logements. ». Sur ce point, on est en droit de se demander combien de ces évincé·es étaient des locataires des logements appartenant à ces dits groupes bienfaiteurs qui se sont enrichis sur cette crise? Combien ont été évincés en raison de la gentrification de leur milieu et de la hausse des loyers environnants induits par des projets immobiliers portés par ces mêmes promoteurs? Surtout, pourquoi cette aide serait-t-elle assortie d’une catégorie de personnes à aider? Les personnes évincées d’il y a 2 ans toujours à la rue sont-elles irrécupérables ? Et celles d’il y a 5 ans ? Qui décidera des personnes dignes de recevoir un logement? Pourquoi les promoteurs auraient voix au chapitre sur la priorisation ? N’y a-t-il pas 16 0000 ménages en attente d’un HLM à Montréal depuis en moyenne 5 ans ans qui méritent une place ? Est-ce à dire qu’il n’y pas de plan pour les “poqués”, car pour ceux-là, les promoteurs ne peuvent rien ?
En 2025, est-on mûrs pour un programme HLM québécois 2.0? Tout porte à croire que oui! Il faut aussi des programmes qui fonctionnent pour une diversité de logements sociaux, dont des OSBL qui offrent un soutien communautaire pour accompagner des personnes en situation d’itinérance dans leur retour en logement.