Quoi qu’en disent les économistes et la classe politique, la richesse extraite des entrailles de la terre abitibienne ne règle en rien les problèmes de pauvreté et de logement. Ce constat ressort clairement de l’audience tenue à Rouyn-Noranda le 22 novembre.
Tous les témoignages ont dit le manque criant de logements, avec tous les effets pervers qu’il a sur l’offre de logements, sur leur attribution, sur leur état et sur le prix des loyers. La crise, qui sévit depuis maintenant huit ans, met littéralement les locataires à la merci des propriétaires qui « cherchent à faire autant de profits que possible, le plus vite possible, au mépris de toutes les lois et de tous les règlements encadrant le droit du logement », comme l’a indiqué la porte-parole d’Arrimage Jeunesse.
Plusieurs ont dénoncé les méthodes utilisées par les propriétaires pour annoncer leurs logements à louer et pour choisir leurs locataires. « Les logements vacants en meilleur état sont annoncés uniquement sur Facebook. Quand t’as même pas le téléphone, t’as aucune chance ! », a précisé le représentant du Regroupement en défense des droits en santé mentale. Selon Arrimage Jeunesse, « les propriétaires posent toutes sortes de questions intrusives qui révèlent leurs préjugés. Ils vérifient si tu as un emploi, si tu es enceinte, si tu as des enfants, si tu fumes ; ils vont même jusqu’à demander si tu es malade ».
Pour les femmes victimes de violence conjugale, c’est leur sécurité et même leur vie qui sont mises en danger. La porte-parole d’Alternative pour elles, une maison d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale, a expliqué que « des femmes sont obligées de rester avec leur conjoint violent parce que les places en maison d’hébergement sont toutes occupées ». Celles qui y sont entrées avant elles ne réussissent plus à se trouver un logement pour en sortir, surtout si les propriétaires apprennent qu’elles sont de passage dans un tel centre. « Pour eux, un mari violent, c’est du trouble », a-t-elle précisé. « C’est la même chose pour les personnes qui ont des problèmes de santé mentale », a rajouté la représentante du Centre de croissance d’Abitibi Ouest.
Ça augmente
Plusieurs ont fait mention de la hausse effrénée du coût des loyers, ainsi que du harcèlement et des menaces d’éviction sauvage que subissent celles et ceux qui tentent de contester. Selon une citoyenne de Rouyn, « les gens n’osent pas refuser les pires augmentations de loyer – j’en connais qui n’ont pas refusé une demande de 100 $, pire de 235 $ par mois – parce qu’ils avaient peur de perdre leur logement ; ils n’osent pas aller à la Régie du logement parce que les autres propriétaires vont le savoir ». Danik Laporte, du Regroupement d’éducation populaire de l’Abitibi-Témiscamingue (REPAT), a témoigné qu’un propriétaire de La Sarre s’en est même pris physiquement à un locataire qui contestait une augmentation de loyer abusive. « Il l’a harcelé, l’a menacé et, comme le locataire insistait sur ses droits, il a fini par lui donner un coup de poing sur le nez. Le gars a plié pour ne pas se retrouver à la rue. (…) Ici, l’hiver, tu ne peux pas rester dehors ; tu meurs. »
De l’avis général, il ne reste que les taudis pour les gens les plus pauvres. « Quand l’économie allait mal, les propriétaires disaient qu’ils n’avaient pas les moyens d’entretenir les logements. Maintenant que l’économie roule, ils n’ont plus besoin de les entretenir ; ils réussissent à louer les pires trous », a dénoncé Danik Laporte. Plusieurs ont réclamé que les villes se dotent d’un code du logement et le fassent appliquer. La représentante du Centre Entre-Femmes a rappelé : « Des gens se rendent malades, en ce moment, à vivre dans la moisissure, mais comme les loyers sont exorbitants, ils n’ont pas les moyens de payer leurs médicaments ou d’aller à Montréal pour se faire soigner. »
Plusieurs ont mentionné l’impact de cette crise du logement sur la santé des personnes. « Les gens sont désespérés, paniqués », a fait valoir le Regroupement des organismes familles de l’Abitibi-Témiscamingue.
Unanimement, les gens ont réclamé plus de logements sociaux, vite, et avec des subventions suffisantes pour faire face aux coûts de construction qui sont très élevés dans la région. Même la Ville de Rouyn-Noranda a adopté une résolution appuyant la revendication du FRAPRU pour 50 000 nouveaux logements en cinq ans, dont 1 000 pour l’Abitibi.