Après la pénurie, les locataires du Québec font maintenant face à d’autres types de difficultés, constate le FRAPRU

Montréal, le 2 juillet 2013 – « Dans la plupart des régions, la période du 1er juillet n’est plus aussi pénible qu’au plus fort de la pénurie de logements locatifs, mais les locataires sont maintenant aux prises, à l’année longue, avec d’autres types de problèmes tout aussi éprouvants. » C’est ainsi que François Saillant, coordonnateur du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), a commenté la situation du logement, au lendemain de la journée traditionnelle des déménagements.

Même si celle-ci s’est beaucoup mieux déroulée qu’au début des années 2000, quelque 530 ménages se sont adressés aux services d’urgence mis en place par les municipalités ou des groupes communautaires. De ce nombre, 199 ont fait l’objet de suivi parce qu’ils étaient sans logis ou à risque immédiat de le devenir, dont 45 à Sherbrooke, 39 à Québec, 36 à Gatineau, 30 à Val-d’Or, 25 à Rouyn-Noranda, 22 à Montréal et 1 à Laval et Longueuil. « Plusieurs de ces familles et personnes sont parvenues à ce loger, mais une partie significative n’y est pas encore arrivée, dont 39 qui sont hébergées », affirme Marie-José Corriveau, organisatrice au FRAPRU, qui exhorte les ménages qui ne se sont pas trouvé un toit à contacter sans tarder les services d’aide existants.

D’autres inquiétudes

François Saillant estime que la pénurie, qui s’est étirée sur plus d’une décennie, a profondément transformé la situation du logement locatif : « C’est l’accessibilité financière des logements qui en a le plus souffert. Dans la région de Québec, le coût moyen des logements de deux chambres à coucher a augmenté de 47 % entre 2000 et 2013 pour atteindre 763 $ par mois. Pour payer un tel loyer sans y consacrer plus que la norme de 30 % de ses revenus, une famille monoparentale devrait gagner au moins 30 500 $ par année. Dans la région de Montréal, le coût mensuel moyen des plus grands logements a grimpé de 44 % pour se chiffrer à 907 $. Une famille devrait avoir un revenu d’au moins 36 280 $ pour ne pas se retrouver en péril avec un tel loyer ».

Le FRAPRU considère que c’est cette hausse des coûts, liée à la situation économique tendue de certaines régions, qui explique l’accroissement du nombre de causes pour non-paiement de loyer à la Régie du logement qui a augmenté de 18 % depuis 2000 pour atteindre 47 049 en 2011-2012 au Québec, dont 21 390 au bureau de Montréal, 4 748 à Québec, 3 637 à Longueuil, 2 782 à Gatineau, 2 497 à Saint-Jérôme, 1 996 à Laval et 1 426 à Sherbrooke.

Le FRAPRU considère que le vieillissement du parc de logements locatifs représente une autre source grandissante d’inquiétudes. Il précise à cet égard que, selon les dernières données disponibles, 704 420 logements, représentant 56 % de ce parc, ont été construits entre 1920 et 1970 et ont donc plus de 40 ans. Lors du recensement de 2006, 12 % de ces logements avaient déjà besoin de rénovations majeures, ce pourcentage atteignant 14 % à Gatineau et 13 % à Montréal. C’est dans cette dernière ville où le parc est plus âgé, 69 % des appartements ayant été construits avant 1970 dont 46 % avant 1960. François Saillant s’attend à ce que les problèmes de salubrité et de sécurité soient appelés à se multiplier.

Le FRAPRU estime enfin que les autorités politiques auraient tort de croire que la pénurie de logements locatifs est totalement chose du passé. Il rappelle la situation très tendue toujours vécue en Abitibi-Témiscamingue et sur la Côte-Nord où les taux de logements inoccupés demeurent inférieurs à 1 %. Il s’inquiète également de la baisse des mises en chantier de logements locatifs à l’échelle du Québec et principalement dans la région métropolitaine de Montréal où elle chuté de 60 % entre 2007 et 2012. Au cours des cinq premiers mois de 2013, elle a à nouveau diminué de 34 % par rapport à la même période l’an dernier.

Demandes au gouvernement Marois

Pour faire face à ces problèmes, le FRAPRU demande au gouvernement de donner suite aux recommandations de la Commission populaire itinérante sur le droit au logement qui a remis son rapport en mars 2013, suite à une importante tournée de consultation dans toutes les régions du Québec. Marie-José Corriveau presse le ministre responsable de l’Habitation, Sylvain Gaudreault, qui déjà a fait adopter une motion à l’Assemblée nationale pour souligner la contribution de la Commission, de se prononcer sans plus tarder sur le fond de son rapport. Celui-ci propose entre autres l’adoption d’une politique québécoise d’habitation permettant d’intervenir sur toutes les dimensions de la problématique, l’inclusion du droit au logement dans la Charte des droits et libertés, l’élaboration d’un code-modèle du logement visant à assurer la salubrité des logements partout au Québec, de même qu’un resserrement des contrôles à la Régie du logement.

Mme Corriveau insiste plus particulièrement sur la recommandation d’accroître de manière urgente la construction de logements sociaux, présentement limitée à 3 000 logements par année, pour qu’ils occupent une part grandissante dans le marché locatif : « Partout au Québec, le logement social pourrait compenser pour le désintéressement des investisseurs privés à l’égard de la construction de logements locatifs, en s’assurant de surcroît de leur pleine abordabilité. C’est particulièrement urgent en Abitibi-Témiscamingue et sur la Côte-Nord, à condition dans ces cas que le gouvernement prenne réellement en compte les coûts de construction qui sont beaucoup plus élevés dans ces régions. Le logement social pourrait enfin jouer un rôle majeur dans la rénovation et l’amélioration du parc de logements locatifs, en accordant des subventions à des coopératives ou à des organismes sans but lucratif pour leur permettre d’acheter des logements privés, de les rénover et d’en faire des logements sociaux. ».