Votre voisine, votre collègue, un membre de votre famille ou vous-même faites partie des locataires ayant reçu une augmentation de loyer insoutenable ? Votre recherche de logement demeure infructueuse, tout est hors de prix ? Votre famille peine à se loger convenablement ? Vous êtes seule et craignez d’être contrainte à la colocation ? Vous êtes des milliers de locataires à endurer ce stress ! Une situation qui continue de se détériorer, sous le regard passif du gouvernement Legault.
Les mesurettes mises en place ne suffisent pas
- Les évictions illégales se poursuivent malgré le moratoire temporaire pour certaines évictions.
- Il n’y a toujours pas de registre des loyers pour limiter les hausses abusives aux changements de locataires.
- L’estimation moyenne de hausse de loyer du Tribunal administratif du logement (TAL) est si élevée cette année, qu’on peut craindre un lot considérable d’évictions pour non-paiement.
- Malgré les annonces des derniers mois, les logements sociaux continuent de manquer cruellement.
On le répète : il faut autre chose que des logements trop chers. Plus que jamais, il est urgent d’augmenter la disponibilité de logements sociaux et communautaires sous différentes formes.
C’est pour cela que le FRAPRU réclame depuis plusieurs années un plan ambitieux pour augmenter substantiellement la place du logement social au Québec. Il ne représente actuellement même pas 11 % du parc locatif. Si le Québec s’était attelé à la tâche plus tôt, la crise actuelle serait vécue moins durement.
Avec la nouvelle Stratégie gouvernementale en habitation qui vise la construction de 560 000 logements locatifs en 10 ans, le budget 2025 était une occasion à saisir par le gouvernement québécois de se donner enfin des cibles claires de développement de logements sociaux. Le contexte économique incertain lié à la crise tarifaire offrait une opportunité supplémentaire pour traiter ce nécessaire chantier comme un chantier d’infrastructures publiques.

Logement social: le grand absent du budget
Des municipalités, plusieurs organisations sociales et regroupements du milieu de l’habitation attendaient impatiemment de nouveaux investissements dans le logement social. Loin de répondre à l’urgence, le budget 2025-2026 ne contient aucune nouvelle mesure structurante pour donner du mordant à la stratégie québécoise en habitation.
Alors que le budget précédent ne prévoyait pas non plus de financement de nouveaux logements sociaux (ni même abordables) et que les derniers investissements remontent aux 8 000 logements annoncés dans la mise à jour économique de l’automne 2023, avec la contribution du fédéral, le ministre des Finances Éric Girard a présenté un budget qui fait l’impasse totale sur la construction de nouveaux logements sociaux. Rien pour les personnes à faible revenu qui attendent une place en HLM, rien pour les organismes communautaires porteurs de projet de logements sociaux et communautaires en attente de financement, rien pour juguler la crise de l’itinérance.
Après l’annonce du Fonds fédéral de protection des loyers, nous étions en droit d’espérer un programme québécois d’acquisition d’immeubles locatifs pour les sortir de la spéculation. Or, malgré les besoins urgents, le dernier budget québécois persiste à ne prévoir aucun nouvel investissement ni pour la construction de HLM, de coopératives d’habitation ou d’OSBL, ni pour l’acquisition d’immeubles à cette fin. Pire, les documents budgétaires prétendent que « les déséquilibres s’estompent graduellement sur le marché locatif ». Rien n’est plus faux. Avec un taux d’inoccupation de seulement 1,9 % à l’échelle provinciale et une augmentation de près de 50 % du loyer moyen depuis 2018, le marché est bien au contraire plus tendu que jamais. Le gouvernement Legault se fie sur la construction de logements privés neufs. Une solution qui a déjà prouvé son inefficacité et même sa nuisance à l’abordabilité réelle.
Des mesures largement insuffisantes
Le budget québécois contenait de toutes petites annonces d’investissements dans le logement social, comme les 228 millions $ pour la rénovation et l’exploitation des HLM existants. Ces sommes s’ajoutent à celles déjà annoncées. Préserver le parc existant est essentiel. 41,2 millions $ sont réservés pour payer le déficit d’exploitation qui n’est plus assumé par le fédéral dans les immeubles dont la convention est arrivée à échéance. Chaque année, plus de conventions se terminent et la part du déficit qui devra être assurée par Québec ne va cesser d’augmenter. Avec la fin de ces ententes à long terme avec Ottawa, il faut tout mettre en branle dès maintenant pour préserver le parc de logements publics et de bas loyers pour les locataires à faibles revenus qui y vivent.
Alors que des milliers de personnes et de familles sont en attente pour un HLM, il faut aussi saisir l’occasion des rénovations à venir pour ajouter des logements là où c’est possible. Sans programme spécifique pour le logement social et des investissements immédiats, Québec risque encore de manquer le bateau.
Même constat pour les 1 000 suppléments au loyer supplémentaires, utiles mais insuffisants. Rien ne garantit qu’ils seront utilisés dans des projets à but non lucratif. Quant aux investissements destinés à l’accompagnement des personnes vulnérables, ils demeurent flous, bien en deçà des 50 millions $ en soutien communautaire demandés chaque année par les groupes du milieu de l’itinérance et de l’habitation communautaire.
Bien que le Programme d’adaptation à domicile (PAD) pour les personnes en situation de handicap ait été justement renfloué, on apprend quelques jours après le budget que les fonds prévus à cette fin ne serviront qu’à répondre aux demandes déjà en attente, excluant de fait toutes nouvelles demandes.
Tout n’est pas perdu
À court terme, le gouvernement continuera à faire des annonces de mises en chantier et des inaugurations de logements sociaux. Ce sera pour la plupart avec les fonds prévus il y a plusieurs mois, voire années. Le paysage locatif pourra profiter des dernières mises en chantier de projets réalisés avec le programme AccèsLogis qui a pris fin officiellement ce 31 mars. Les nouveaux projets annoncés par Québec le sont avec des fonds prévus en novembre 2023.
De plus, une somme de 184 millions de dollars, annoncée en novembre 2024, dont la moitié provient du gouvernement fédéral, n’a toujours pas été dépensée. On ne sait toujours pas à quoi serviront ces fonds : compléteront-ils des projets annoncés ou profiteront-ils à de nouveaux logements et ceux-ci seront-ils sociaux ou abordables ? Le mystère persiste 6 mois après cette annonce. Un autre exemple de l’opacité de l’octroi de fonds publics. Ce silence prolongé laisse craindre que Québec cherche à contourner de nouveaux investissements dans le logement social. Peut-être nous réservera-t-il de bonnes surprises.
L’annonce par Québec de la mise en place de la banque de terrains publics pour le logement social est une avancée qui pourrait aussi contribuer à changer la donne. Une revendication portée depuis 15 ans par le FRAPRU. Ce nouveau répertoire s’adresse aux offices d’habitation, aux organismes à but non lucratif et aux coopératives et vise à faciliter l’accès à des terrains publics.
Actuellement, seulement six sites sont répertoriés : à Montréal, Alma, Saguenay, Rivière-du-Loup et Montmagny. C’est peu, mais la porte est ouverte à l’ajout de nouveaux emplacements. Toutefois, sans financement pour y développer rapidement des logements sociaux, cette avancée risque de rester désincarnée.
Une gestion opaque
Par ailleurs, les pratiques d’attribution des fonds publics destinés au logement social « et abordable » ajoutent à l’inquiétude. Depuis quelques mois, Québec procède à des annonces ponctuelles par décret, sans appel de projets publics ni cadre clair. Sauf exceptions, le Programme d’habitation abordable Québec (PHAQ) n’accepte pas le dépôt en continu. Le dernier appel de projets remonte à juin 2023.
On accorde le statut de « développeur qualifié » à certains promoteurs au moment même de l’annonce d’attribution, sans qu’aucune liste officielle ne soit rendue publique. Rappelons que les 8 000 logements sociaux « et abordables » financés en 2023, sont déjà tous attribués. Dans cette opacité, des projets privés sont financés sous prétexte d’habitation abordable, mais il est clair que quand ils sont soumis à la logique du profit, leur abordabilité n’est jamais durable. Loin d’un système d’attribution juste, on assiste actuellement à une gestion qui semble avantager certains acteurs bien connectés, au détriment des communautés locales mobilisées depuis des années.
Pendant ce temps, des milliers de projets de logements sociaux et communautaires, dont près de 10 000 seulement dans les cartons du réseau des Groupes de Ressources Techniques (GRT), attendent désespérément un feu vert nommé financement.
Ce contexte doit nous alerter sur les nouvelles sources de financements auxquelles pourraient être contraints des projets sans but lucratif. Recourir à des bailleurs de fonds privés comporte plusieurs risques liés au fait que ceux-ci exigent un rendement. Ultimement, ce sont les locataires qui en font les frais.
On ne lâche rien !
Le dernier budget confirme une chose : sans pression populaire, les besoins des locataires continueront d’être relégués au second plan. On ne peut laisser cela arriver et abandonner à leurs sorts des milliers de personnes dont le droit fondamental à un logement adéquat est bafoué.
Dans les prochaines semaines, une série d’actions est prévue pour dénoncer les reculs et mettre en lumière la seule alternative au marché privé éprouvée : le logement social. Le FRAPRU lancera une semaine d’occupations à compter du 19 mai. Ces mobilisations visent à rendre visibles les besoins urgents des communautés tout en ciblant des terrains comme autant d’occasions ratées de développement dans leurs milieux.
Il faudra continuer à revendiquer des cibles ambitieuses. Doubler le nombre de logements sociaux dans les 15 prochaines années. Pour y arriver, nous demandons encore et toujours : des programmes qui se suffisent à eux-mêmes, un financement stable, une transparence dans l’attribution des projets et un arrimage avec les réalités locales.
Aussi longtemps que durera le refus obstiné du gouvernement de reconnaître l’ampleur de la crise, nous serons là pour lui rappeler.