Bulletin de fin de campagne: Le FRAPRU inquiet du peu d’attention portée à la crise du logement

Montréal, le 30 septembre 2022 — À quelques jours des élections générales, le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) dresse un bilan de campagne plutôt sombre pour les ménages locataires mal-logés du Québec. Comme il le fait à chaque élection, pour les différents paliers de gouvernement, le FRAPRU a noté les engagements en matière de logement social et émet son traditionnel bulletin de fin de campagne. L’organisme de défense du droit au logement déplore le manque d’attention accordé à la crise du logement et aux solutions pour y répondre, alors que les ménages locataires à faible et modeste revenus en subissent les contre coups de plein fouet, parfois de manière dramatique, certains étant toujours sans-logis 3 mois après le 1er juillet.

Selon le FRAPRU, bien que la plupart n’ait eu d’autre choix que de reconnaître la situation et se soit engagés à construire du logement social pour offrir une alternative au marché privé, leurs engagements ne sont pas à la hauteur de ce que réclame la situation. Pour répondre aux besoins les plus criants, le regroupement réclame  50 000 logements sociaux en 5 ans, tant par des coopératives, des OSBL que des offices d’habitation.

Le FRAPRU déplore également le peu de considération des partis au sujet des graves conséquences de l’inflation sur les personnes à faible revenu durant la campagne électorale. Il déplore, à l’instar du Regroupement des comités logement et associations des locataires du Québec (RCLALQ), que cette question n’ait été reprise par aucun parti à l’échelle nationale et que le contrôle des loyers ait obtenu si peu d’attention. Enfin, alors que l’itinérance, visible et cachée est en hausse dans toutes les régions, le regroupement s’explique mal comment cet enjeu ait pu être à ce point ignoré.

PARTI CONSERVATEUR du Québec : ÉCHEC AVEC UN « E »

Selon le Parti Conservateur du Québec (PCQ), le marché serait déséquilibré en faveur des locataires, plutôt que l’inverse. Le programme du parti affirme en effet qu’il faut revoir la méthode de fixation des loyers établie au Québec, pour « rétablir l’équilibre en rendant l’investissement dans les immeubles locatifs compétitif avec les autres alternatives de placement ».

D’autre part, le PCQ a véhiculé une vision réductrice du logement social, en souhaitant le réserver seulement aux « gens qui ont des problèmes particuliers auxquels le marché ne répond pas adéquatement : incapacités motrices, santé mentale fragile, toxicomanie, familles très nombreuses et incapacité de travail ».

Pour les locataires à faible revenu qui peinent à payer leur loyer ou à trouver un logement décent, le parti d’Éric Duhaime compte sur les aides individuelles comme l’allocation-logement et les subventions de supplément au loyer, prétextant la liberté de choix. Or, selon le FRAPRU, c’est très mal connaître le fonctionnement des programmes qu’il dit vouloir utiliser. Le supplément au loyer privé est boudé par de nombreux propriétaires en période de pénurie de logements et coûte cher à l’état (vu l’explosion des coûts des loyers, ces dernières années).. Quant à l’allocation-logement, seules les familles ou les personnes seules et les couples de plus de 50 ans peuvent y avoir accès. Et dans les deux cas, contrairement au logement social, ce type d’aide individuelle ne permet pas de construire de nouvelles unités d’habitation ou de retirer des logements encore abordables du marché, pour mettre les locataires qui les occupent notamment à l’abri de hausses abusives de loyer ou d’évictions illégales.

Coalition Avenir Québec : « D »

La seule annonce nationale de la Coalition avenir Québec (CAQ) portant sur le logement a eu lieu avant le déclenchement de la campagne électorale. La CAQ promet 11 700 logements sociaux et abordables en 4 ans. De ce nombre, seulement 7000 sont de nouvelles unités; les 4700 autres unités ont déjà fait l’objet d’annonces gouvernementales. Malgré les nombreux appels du milieu communautaire et des municipalités, le parti de François Legault n’a pas revu à la hausse sa promesse. On ignore par ailleurs toujours la part de logements sociaux qui serait construite, faisant de la CAQ le seul des cinq principaux partis, avec le PCQ, n’ayant pas d’objectif chiffré en la matière. Par ailleurs, les deux tiers des 15 000 logements sociaux déjà budgétés avant 2018 que la CAQ avait promis de construire lors de son récent mandat, ne sont toujours pas réalisés.

Enfin, la CAQ n’a pas fait de proposition pour freiner l’explosion du coût des loyers, ni pour contrer les évictions illégales des locataires.

Parti Libéral du Québec : « C »

Le Parti libéral du Québec (PLQ) a augmenté ses engagements par rapport à la campagne précédente. Il s’engage à financer 50 000 nouveaux logements sociaux sur 10 ans. Le PLQ a confirmé que ces unités s’ajoutent à celles déjà programmées avant 2018 mais toujours pas sorties de terre. Il s’est aussi engagé à améliorer le programme AccèsLogis et « à exiger plus de transparence de la part des propriétaires quant au coût du bail précédent, lorsqu’ils affichent un logement à louer ». Il ne précise toutefois pas comment il compte procéder pour ce faire et ne se positionne pas en faveur d’un registre des loyers, ni d’un contrôle obligatoire, comme le demande le RCLALQ.

Parti québécois :  « B »

Le FRAPRU apprécie que le Parti Québécois (PQ) ait augmenté substantiellement son objectif de développement de logements sociaux. Il s’agit du chiffre le plus près de la demande du FRAPRU, soit 45 000 en 5 ans. Le PQ promet de les réaliser dans un programme AccèsLogis bonifié et adapté aux nouvelles réalités du marché, incluant 10 000 logements étudiants. Le PQ s’est également engagé à livrer, en plus, les unités déjà programmées dans AccèsLogis et en attente de réalisation. Le FRAPRU déplore cependant que cet engagement n’ait pas fait l’objet d’une annonce et que le chef ne l’ait pas porté publiquement, malgré les graves conséquences de la crise du logement sur les locataires du Québec. Alors que de nombreuses Résidences privées pour aînés (RPA) ferment leurs portes, le PQ s’est engagé à encourager les RPA sans but lucratif, sans élaborer sur les manières d’y arriver. 

Si le PQ s’est engagé à instaurer un registre des loyers, mais ne prévoit pas de mettre en place un contrôle universel et obligatoire des loyers et n’a pas annoncé de mesures pour contrer les évictions frauduleuses.

En matière de lutte à la pauvreté, le PQ promet d’augmenter le salaire minimum à 18 $ de l’heure d’ici trois ans et de doubler temporairement le crédit de solidarité.

Québec Solidaire :  « B »

Lors de sa sortie nationale visant à promouvoir son engagement « d’entamer un chantier de construction de 50 000 logements sociaux écoénergétiques » s’il était élu, Québec solidaire (QS) a précisé qu’il s’engageait à en réaliser seulement 25 000 dans un premier mandat. À l’instar du PLQ et du PQ, ces logements s’ajouteraient à ceux déjà programmées dans AccèsLogis, mais qui ne sont toujours pas construits.

C’est le seul parti qui a pris position en faveur d’un contrôle obligatoire des loyers appuyé sur un registre des loyers et qui a promis de mieux protéger les droits des locataires contre les « rénovictions » et autres évictions abusives. QS a aussi promis que 70% des nouvelles certifications de RPA seraient réservées à des coopératives ou à des organismes sans but lucratif et qu’un programme de prêts et de subventions pour les soutenir serait mis en place.

Québec solidaire est également le seul à s’engager à bonifier l’aide sociale, même si ce n’est qu’à long terme qu’il vise permettre à l’ensemble de ses bénéficiaires de couvrir tous leurs besoins de base.Enfin, QS promet d’augmenter le salaire minimum à 18 $ de l’heure dès son arrivée au pouvoir.

Le statu quo serait intenable, avertit le FRAPRU

Selon le FRAPRU, la mise en œuvre du droit au logement devra être au centre des interventions du prochain gouvernement. Il rappelle d’ailleurs que lors du débat électoral national sur le logement[1], tant le Parti libéral du Québec, le Parti Québécois et Québec solidaire se sont engagés, s’ils sont élus, à adopter une politique globale en habitation basée sur la reconnaissance de ce droit, comme le demandent 500 organisations sociales.

D’autre part, le regroupement estime que sa demande de 50 000 logements sociaux en 5 ans, incluant un programme d’acquisition de bâtiments résidentiels locatifs, est parfaitement réaliste si on en fait une réelle priorité dès le début de la prochaine session parlementaire et il prévient que le statu quo n’est pas une option. « Il faut construire des nouveaux logements sociaux pour lutter contre la rareté dans plusieurs régions, mais aussi donner les moyens aux villes et aux organismes sans but lucratif d’acquérir des immeubles résidentiels existants; c’est nécessaire pour contrer efficacement l’effritement du parc de logements encore abordables, qui disparait aux mains des spéculateurs », insiste sa porte-parole, Véronique Laflamme. « Ne pas mettre en place les mesures nécessaires a un coût social qu’on ne devrait pas tolérer! », conclue-t-elle.

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Pour plus d’informations :
Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU, 514 522-1010, 418 956-3403 (cell.)

[1] Le débat, co-organisé par l’Association des groupes de ressources techniques du Québec (AGRTQ), la Confédération québécoise des coopératives d’habitation (CQCH), la Fédération des locataires d’habitations à loyer modique du Québec (FLHLMQ), le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), le Regroupement des offices d’habitation du Québec (ROHQ) et le Réseau québécois des OSBL d’habitation (RQOH)peut être visionné dans son intégralité en ligne.