Les crises du logement ne doivent plus être balayées sous le tapis!


Affiche installée sur la rue Wellington, dans Verdun à Montréal, le 15 novembre 2020.        Photo: Steve Baird

La majorité des villes du Québec sont aux prises avec une sévère pénurie de logements locatifs, dont les effets s’ajoutent à ceux de la spéculation immobilière. Les plus récentes données publiées par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) ont confirmé ce que les comités logement constatent sur le terrain : les logements disponibles sont rares et ne sont pas à la portée de la majorité des locataires, leur revenu étant inférieur à 37 400 $ par an. Dans ce contexte, les pratiques discriminatoires deviennent monnaie courante et la gentrification mine le tissu social des quartiers populaires, fragilisant d’autant plus les locataires en situation de précarité.

S’il s’est construit beaucoup de logements ces dernières années, ceux-ci s’avèrent hors de prix, ne répondant pas aux besoins de la majorité des locataires. Pour preuve, au lendemain du 1er juillet 2021, au moins 500 ménages locataires étaient accompagnés par un service d’aide parce que sans logement. Jamais, sauf en 2002 et en 2003, le FRAPRU n’avait recensé un nombre aussi important de sans-logis après la journée des déménagements. Le 1er septembre, 300 ménages étaient toujours dans cette situation. 

Malgré des chiffres et des témoignages éloquents, le gouvernement Legault s’obstine à nier les crises du logement vécues par des centaines de milliers de locataires. Pourtant, de plus en plus de ménages doivent être hébergés par des proches, doivent vivre dans la crainte d’être expulsés de leur milieu, ou doivent accepter de signer des baux pour des logements trop chers, trop petits ou insalubres, au détriment de leur santé physique et mentale. Leur situation ne peut pas être balayée sous le tapis.

Au mépris d’appels répétés, le logement social — le seul dont on a la certitude qu’il sera abordable pour les locataires mal-logéEs de façon pérenne — continue d’être réalisé au compte-gouttes. Depuis l’élection de la Coalition avenir Québec, à peine 3750 ont été bâtis, malgré la promesse d’en livrer 14 000. Pendant ce temps, 38 000 ménages locataires au Québec attendent une habitation à loyer modique, souvent depuis plusieurs années. À ce nombre, s’ajoute tous ceux qui espèrent obtenir un logement sans but lucratif ou coopératif. 

Dans plusieurs municipalités, des signaux — comme la recherche difficile de logement à la rentrée universitaire — laissent croire que la rareté des logements locatifs s’est intensifiée. La hausse rapide du coût des loyers et les baisses de revenus liées à la pandémie vont assurément provoquer un appauvrissement des ménages qui consacrent déjà une part trop importante de leur revenu au loyer. 

Par ailleurs, l’augmentation de la fréquence et de l’intensité d’aléas climatiques — comme les vagues de chaleur ou les inondations — affectent déjà plus durement les populations les plus vulnérables. Les mesures mises en place pour limiter les changements climatiques peuvent se traduire par une gentrification des quartiers et plus d’expulsions de locataires.  Les instances publiques doivent en tenir compte et mettre en œuvre des solutions répondant à leurs besoins et à leur capacité de payer. 

Il est évident que les crises du logement vont s’enraciner si les différents paliers de gouvernement n’agissent pas rapidement. Le gouvernement québécois est maître d’œuvre de son programme de logement social et communautaire AccèsLogis, qu’il doit ajuster et bonifier. Québec doit aussi protéger le parc locatif encore bon marché et les locataires qui sont aux prises avec des requins de l’immobilier. 

En plus d’un resserrement des contrôles sur le marché privé, le FRAPRU réclame un accroissement du nombre de logements sociaux, hors marché, que ce soit sous la forme de coopératives, d’organismes sans but lucratif d’habitation ou de logements à loyer modique. Pour y parvenir, un vaste chantier de 50 000 logements sociaux en 5 ans doit être entrepris, incluant l’acquisition et la socialisation de logements locatifs encore abordables.

Les solutions à mettre en œuvre pour débloquer la situation sont connues et Québec en a les moyens. Il est grand temps non seulement de prévoir des investissements supplémentaires dans le développement du logement social, ce que le FRAPRU espère pour la mise à jour économique et financière, mais aussi de lancer une politique d’habitation basée sur la reconnaissance formelle du droit au logement de toutes et de tous. Dans les prochains mois, le FRAPRU fera d’ailleurs connaître celle qu’il propose.