De quelle solidarité parle-t-on?

Le 30 octobre 2013, le gouvernement péquiste rendait public un document intitulé La solidarité : une richesse pour le Québec. Il y annonçait « une vision novatrice de la solidarité (…) une solidarité durable fondée sur un nouvel équilibre entre la solidarité, la prospérité, la responsabilité et les besoins d’aujourd’hui et de demain »[1].

Dix mois plus tôt, le même gouvernement avait élaboré en catimini un projet de règlement ayant pour effet de retirer 129 $ par mois à des ménages assistés sociaux jusqu’ici considérés comme ayant des « contraintes temporaires à l’emploi ». Il s’agissait des personnes de 55 à 57 ans (avec un respect des droits acquis des prestataires qui ont déjà cet âge), ainsi que des couples ayant la garde d’enfants d’âge préscolaire. Quant aux personnes suivant des thérapies de désintoxication, on resserrait les règles entourant leur contrôle et le paiement de leurs frais de séjours.

Attaquée de toutes parts, la ministre Agnès Maltais a répliqué en affirmant qu’« elle n’échapperait personne » et que toutes les personnes coupées verraient leur sort s’améliorer par des « démarches d’intégration à l’emploi ». Elle ajoutait qu’elle était sur le point d’annoncer une « bonification progressive et importante pour les 85 000 personnes les plus pauvres de notre société, soit les personnes seules prestataires sans contraintes de l’aide financière de dernier recours »[2].

En octobre 2013, le Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale publiait son seul et unique bilan des effets des coupures de 129 $. On y apprend, en lisant entre les lignes, que, sur les 4723 couples concernés par la mesure, au moins 1980 en subissaient toujours les effets. Quant aux 1278 personnes qui ont eu 55 ans entre juillet et octobre 2013, 880 ont perdu 129 $ par mois par rapport à qu’elles auraient autrement obtenu. Aucun autre bilan n’a été publié depuis ce moment, de sorte qu’on ne sait pas exactement combien de ménages ont été durablement « échappés ».

« Chiche et mesquine »

Quant à la bonification des prestations des personnes seules, annoncée le 30 octobre, elle est de 20 $ par mois à partir du 1er février 2014, auquel s’ajoutera un autre 10 $ par mois, à chaque année, pour un total de 50 $ en 2017. Sitôt la mesure connue, le FRAPRU l’a qualifiée de « chiche  et de mesquine ».

Dans son annonce, le gouvernement reconnaissait en effet que la prestation d’aide sociale couvrait à peine 49 % des besoins de base des personnes seules. Or, la bonification de 20 $ accordée à partir du 1er février 2014 a porté ce pourcentage à 50,6 % et il n’atteindra que 52,5 % en 2017[3]. En bonifiant si légèrement leur prestation, le gouvernement confirmait son intention de maintenir ces personnes dans la pauvreté, en ne leur accordant pas un niveau de prestation qui soit suffisant pour subvenir à tous leurs besoins. Il avouait de ce fait sa violation du « droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions d’existence »[4].

La mesquinerie du gouvernement, elle, s’est exprimée par l’exclusion de nombreuses personnes qui n’auront même pas droit à la petite bonification de leur chèque. Il s’agit en particulier des locataires de logement social et autres logements subventionnés. Quant aux personnes qui reçoivent un faible montant d’allocation-logement, elles verront leur bonification réduite d’autant. Des 85 000 personnes dont la ministre Maltais affirmait vouloir bonifier la prestation en avril, il n’en reste plus que 60 000 à pouvoir espérer recevoir cette somme!

Est-ce cela la « solidarité durable » du gouvernement péquiste?

 


[1] La Solidarité : une richesse pour le Québec, octobre 2013, p. 2.

[2] Communiqué de presse du 9 avril 2013 du Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale.

[3] La Solidarité : une richesse pour le Québec, octobre 2013, p. 14.

[4] Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, article 11, alinéa 1.