Des locataires dénoncent les réno-victions et les pratiques abusives d’un holding immobilier

Montréal, le 28 août 2019 – Lors d’une conférence de presse tenue ce matin, à la veille d’une audience à la Régie du logement demandant leur évacuation «temporaire» de 12 mois, des locataires montréalais ont témoigné de tentatives d’éviction qu’ils subissent depuis des mois de la part de L.S. Capital Group, après que la compagnie ait acheté leurs immeubles. Les locataires ayant témoigné vivent dans trois bâtiments appartenant à la compagnie, où 11 des 33 appartements sont toujours habités par les mêmes locataires qu’avant l’acquisition dans les quartiers de Verdun et de Côte-des-Neiges. Le Comité d’action des citoyennes et citoyens de Verdun (CACV), comité logement du secteur où sont situés la majorité des immeubles visés, et le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) appuient les locataires et dénoncent le recours systématique à des travaux majeurs aux fins d’éviction déguisée de locataires.

« Il y a quelques années, il ne nous arrivait pas souvent de voir un promoteur immobilier acheter un bloc et mettre tous les locataires dehors, mais depuis c’est devenu beaucoup plus fréquent et systémique. C’est violent. » témoigne Steve Baird, organisateur communautaire au Comité d’action des citoyennes et citoyens de Verdun. 

L.S. Capital Group a acquis au moins 7 bâtiments à Verdun et plus de 200 unités de logement à Montréal. Ils se sont déjà vantées d’avoir une spécialisation dans l’éviction des locataires. Les locataires présents ont présenté des éléments de preuve, dont des copies de la page du Web où ils se vantaient d’avoir un taux de « tenant removal » de 95%. « Suite aux premières pressions, les recours non-fondés se multiplient et toutes ces actions du propriétaire causent des pressions dures et pénibles pour moi, comme pour tous mes voisins» témoigne Félix-Antoine Carignan, locataire de la 3e avenue. 

Dans le bâtiment où certains locataires habitent toujours sur le boulevard Décarie, un ordre de cesser les travaux a été émis par la Ville hier, le 27 août 2019 alors que les travaux sont en cours depuis le début juillet.

Selon le CACV et le FRAPRU, cette situation s’explique par la volonté de promoteurs de profiter du développement immobilier frénétique dans le Sud-Ouest de l’île pour faire davantage de profits. En plus de vivre l’insécurité entraînée par la gentrification qui touche leur quartier, et de subir diverses pressions liées à la spéculation immobilière, les locataires de Verdun qui doivent se reloger font face à une importante pénurie de logement. Alors que le taux général d’inoccupation à Montréal est de 2%, il est de 0,6% à Verdun selon les plus récentes données en provenance du rapport sur le marché locatif de la SCHL de l’automne 2018. Il s’agit d’une baisse drastique en quelques mois, puisqu’il était de 5% un an plus tôt. Dans ce contexte, le CACV et le FRAPRU craignent que plusieurs locataires, en particulier ceux et celles à faible revenus, ne soient chassés de leur milieu de vie.

Montréal et Québec interpellés sur les mesures à mettre en place

« Le parc locatif abordable s’effrite dans tous les quartiers montréalais et il est urgent que la ville et le gouvernement du Québec fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour protéger ces logements et les locataires qui y habitent » a commenté Véronique Laflamme, la porte-parole du FRAPRU. Selon le FRAPRU et le CACV, des mesures plus fortes sont nécessaires afin d’empêcher l’utilisation systémique de travaux majeurs afin d’évincer des locataires dans un contexte de spéculation débridée et de pénurie de logements. Au moment où le gouvernement du Québec est en train de réviser la loi sur la Régie du logement ce serait le moment de renforcer les protections prévues pour assurer le droit au maintien dans les lieux et mieux protéger le parc de logements locatifs. Les organismes rappellent que Montréal a aussi un rôle à jouer. Ainsi, les arrondissements devraient faire des vérifications systématiques avant d’accorder les permis de travaux majeurs et la Ville de Montréal pourrait aussi demander des pouvoirs supplémentaires de Québec afin de pouvoir exercer un jugement sur la nature des travaux. 

Enfin, les organismes demandant l’instauration d’un réel contrôle des loyers et d’un registre des baux qui permettraient non seulement de mieux équiper les locataires pour contrer les hausses de loyer abusives, mais aussi, dans le cas du registre, aux municipalités d’effectuer un meilleur suivi du parc de logements locatifs.

Selon les deux groupes, pour contrer les effets dramatiques de la gentrification et de la pénurie de logement locatif, il faut accélérer la réalisation de logements sociaux. À cet égard, le CACV rappelle que, alors que 3200 ménages locataires de l’Arrondissement consacrent plus de 50% de leur revenu au logement, Verdun a cumulé un déficit important de logements sociaux. Selon les dernières données de l’Office municipal d’habitation de Montréal, 766 ménages sont inscrits sur la liste d’attente pour un HLM à Verdun. Le groupe communautaire s’inquiète de l’absence de solutions pour répondre aux besoins des locataires à faible et modeste revenus et de ceux devant quitter leur logement, puisqu’on peut attendre plusieurs années avant d’accéder à un logement social dans le quartier. Le CACV revendique que des bâtiments fassent l’objet d’acquisitions à des fins de logement social, afin de préserver une place pour tous dans le quartier. Il rappelle que La Ville de Montréal a des pouvoirs d’acquisition qu’il peut utiliser afin de revendre à des développeurs de logements sociaux, mais qu’il n’a pas fait usage de ces pouvoirs à Verdun depuis plus de six ans. 

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Pour informations et demandes d’entrevues:

Steve Baird, organisateur communautaire, Comité d’action des citoyennes et citoyens de Verdun: 514 769-2228, poste 102