Montréal, le 16 décembre 2014 – « Il aura fallu quinze ans au Québec pour sortir presque totalement de la pénurie de logements locatifs, mais il en faudra beaucoup plus pour réparer les pots cassés ». C’est la mise en garde que François Saillant, coordonnateur du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), a livré suite à la publication par la Société canadienne d’hypothèques et de logement de son Rapport sur le marché locatif de l’automne 2014. Il met en garde les autorités politiques contre toute volonté de se désengager du logement social ou de relâcher les minces protections mises en place pour protéger les logements locatifs existants.
Le FRAPRU fait notamment remarquer que le logement locatif est beaucoup moins accessible financièrement aujourd’hui qu’il ne l’était, il y a quinze ans. À l’échelle de la province, le loyer moyen des logements de deux chambres à coucher, qui était de 491 $ par mois en 1999 atteint aujourd’hui 711 $, pour une hausse de 44,8 %. « C’est de loin supérieur à l’évolution de l’Indice des prix à la consommation », précise François Saillant. Il ajoute que l’Enquête nationale auprès des ménages menée en 2011 par Statistique Canada a démontré comment la hausse du coût du logement a fait exploser le nombre de ménages locataires en grandes difficultés financières. Selon cette Enquête, 479 750 ménages locataires consacraient plus de 30 % de leur revenu pour se loger au Québec, 227 835 plus de 50 % et 108 475 plus de 80 %.
L’organisme national de défense et de promotion du droit au logement note aussi que l’offre de grands logements familiaux demeure basse dans plusieurs coins du Québec, comme le prouvent les taux d’inoccupation des appartements de trois chambres à coucher et plus à Rouyn-Noranda (0,2 %), Val-d’Or (0,3 %), Sept-Îles (0,9 %), Matane (1,1 %) ou encore Laval (1,3 %). « Les grands logements se font rares, même sur l’Île de Montréal où le taux général d’inoccupation est pourtant monté à 3,5 %. Le taux d’inoccupation des logements pour familles n’est que de 2,5 % et il descend beaucoup plus bas dans des arrondissements comme le Plateau Mont-Royal (0,1 %), Ahuntsic-Cartierville (0,2 %), LaSalle (0,5 %) et le Sud-Ouest de Montréal (0,6 %).
Des chiffres qui ne disent pas tout
Le FRAPRU estime par ailleurs que la location d’unités de condominiums vient un peu fausser les chiffres dans de grandes régions métropolitaines comme Montréal et Québec. Dans celle de Montréal, pas moins 21 105 appartements de copropriétés sont présentement en location, ce qui représente une augmentation de 23 % par rapport à l’an dernier. Sur l’Île même de Montréal, le chiffre est de 12 511. « Les 1686 unités de condos mises en location depuis l’automne 2013 ont davantage fait fluctuer le taux de logements inoccupés de l’Île de Montréal que les 140 logements locatifs privés dont la construction a été achevée au cours des dix premiers mois de 2014! Or, avec un loyer moyen de 1293 $ par mois, on est loin de parler de logements accessibles à la grande majorité des locataires », s’exclame François Saillant. « Le même phénomène se vit dans la région de Québec où 3142 unités de condominiums sont présentement offertes en location à un coût moyen de 1038 $ par mois », précise Véronique Laflamme, organisatrice du FRAPRU pour la région de Québec.
Le FRAPRU estime par ailleurs que l’amélioration générale de l’offre de logements en Abitibi et sur la Côte-Nord est davantage due aux difficultés actuelles de l’industrie minière qu’à l’augmentation du nombre de logements locatifs. Or, les locataires continuent à subir les hausses de loyer dues à la longue pénurie qui a sévi dans ces régions. À Val-d’Or, par exemple, les loyers qui avaient augmenté de 3 % entre 2012 et 2013, ont connu une nouvelle hausse de 5,0 % au cours de la dernière année. À Sept-Îles, les loyers ont augmenté respectivement de 4,8 % et 3,2 % en 2013 et 2014.
Des demandes
C’est parce qu’il estime que la situation d’une large partie des locataires demeure critique que le FRAPRU réclame que le gouvernement québécois poursuive et intensifie ses efforts en matière de logement social. Selon l’organisme, il peut et il doit continuer de faire de la construction neuve, notamment de logements familiaux, mais il doit aussi revenir à une formule qui a fait ses preuves avant la pénurie d’appartements, soit l’achat de logements locatifs privés et leur rénovation pour en faire des logements coopératifs ou sans but lucratif.
Le FRAPRU met par ailleurs en garde les administration municipales contre toute tentative d’assouplir leurs règlementations déjà largement insuffisantes en matière de protection de logements locatifs existants et notamment quant à la possibilité de les transformer en condominiums. « Ce n’est parce que le taux de logements inoccupés a dépassé la barre du 3 % que l’on peut se permettre de perdre les logements locatifs à plus bas loyer ou ceux pour familles », prévient Véronique Laflamme, en s’adressant plus spécifiquement à la Ville de Québec et à plusieurs arrondissements de Montréal.
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