
Après le logement abordable, on entend de plus en plus parler de logement « hors marché ». Celui-ci offre davantage de certitudes sur le type de logements qui sera développé que le logement abordable. Par contre, il ne garantit pas une réponse aux mêmes besoins que le logement social. S’ils semblent synonymes, il est important de ne pas les confondre.
Montréal est une des rares villes à avoir des objectifs chiffrés de logement « hors marché ». Prenons par exemple la documentation du Chantier Montréal abordable, qui définit le « hors marché » comme : « les propriétés qui restent abordables à long terme grâce à un contrôle du prix de revente, comme les coopératives de propriétaires ». Dans ce cas, on inclut l’accession à la propriété. Or, contrairement au logement social, celle-ci n’a pas pour rôle de répondre spécifiquement aux ménages locataires à faible et modeste revenus, les plus touchés par la crise. Dans d’autres cas, certains projets ne deviendront abordables que dans une dizaine d’années. Loin de répondre aux besoins les plus urgents.
Tout comme dans le cas des logements dits « abordables », à Montréal, les cibles de logements « hors marché » restent souvent floues quant à la proportion qui sera effectivement du logement social (HLM, coopératives ou OSBL d’habitation). C’est pourquoi il faut demander des précisions aux différents paliers de gouvernement pour s’assurer qu’on réalisera bien du logement social. La seule formule qui assure une abordabilité immédiate.
Pour ajouter à cette confusion, certaines villes ont commencé à comptabiliser des logements privés dits « abordables » dans les objectifs, déjà trop faibles, de réalisation de logement social. C’est ce qui s’est produit à Québec, où la ville semble avoir changé en cours de route les objectifs de sa vision de l’habitation pour s’aligner au discours promu par le gouvernement caquiste.
Toujours à Québec, un promoteur privé tente de faire passer pour du logement social des logements privés subventionnés, où les locataires paieraient 25 % de leurs revenus, sans que ces logements répondent réellement aux critères du logement social*. Ces deux formes de logements, même si toutes deux offrent au départ un logement équivalent, ne sont pas comparables. Le supplément au loyer sur le marché privé n’a pas les mêmes effets structurants, notamment sur le plan de la sécurité d’occupation et sur la pérennité de l’abordabilité. Cet amalgame ouvre la voie à un détournement des ressources publiques qui devraient être réservées au logement social, sans but lucratif.
En parallèle, nous assistons aussi à une forte pression en faveur de la transformation d’OBSL d’habitation afin que ceux-ci grossissent. Cela peut être souhaitable si c’est la volonté des membres. Cependant, s’il n’y a pas une réflexion préalable sur la place occupée par la communauté et les locataires dans le développement et la gestion des OSBL, cette transformation pourrait se faire au détriment de sa mission sociale et démocratique. Quelles garanties avons-nous sur le maintien des loyers véritablement abordables et même quant à la survie de l’OSBL une fois les délais d’abordabilité expirés ? Qu’en est-il de la pérennité de ces projets alors que des exemples récents montrent qu’ils peuvent être privatisés ou que certains immeubles peuvent être vendus ? Malgré de petites modifications à la loi, rien ne garantit que cela n’arrivera pas de nouveau.
Les gouvernements provincial et fédéral ainsi que les municipalités qui octroient des ressources publiques doivent exiger une représentation des locataires et des organismes communautaires du milieu, au sein des instances démocratiques. Ils doivent aussi favoriser les projets ayant un ancrage local. Cela assurerait une certaine protection contre d’éventuelles augmentations abusives ou une vente à des fins lucratives.