Le Canada soumis à un interrogatoire serré au Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU

Délégation officielle Canada (FS)Genève, le 24 février 2016 – C’est à un véritable barrage de questions toutes plus embarrassantes les unes que les autres que le Canada a été soumis lors de sa première journée de comparution devant le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU, réuni aujourd’hui, à Genève.

Présent sur les lieux, le coordonnateur du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), François Saillant, s’en réjouit : « Les attentes du Comité de l’ONU sont d’autant plus grandes que le Canada a les moyens d’assurer la pleine réalisation pour l’ensemble de la population de tous les droits contenus dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels auquel il a adhéré en 1976. Or, il traite plutôt ces droits comme des enfants pauvres, ce que les experts du Comité onusien n’ont pas manqué de soulever à répétition ».

Les membres du Comité onusien ont vivement regretté que la grande majorité des recommandations qu’il a faites lors de son dernier rapport en 2006 soient restées lettres mortes. « Au lieu de progresser, la réalisation des droits a régressé », a notamment condamné un membre du Comité, en s’appuyant sur les exemples de l’itinérance, du logement et de la pauvreté ». Le niveau insuffisant des prestations d’aide sociale, du salaire minimum, le nombre de sans-emploi qui n’ont pas droit à de l’assurance-emploi, de même que l’accès à l’emploi des groupes plus vulnérables, font partie des nombreuses préoccupations soulevées.

Les membres du Comité ont également déploré que la plupart des droits économiques, sociaux et culturels soient non seulement omis dans la Charte canadienne des droits et libertés, mais aussi que le gouvernement refuse d’interpréter cette dernière d’une manière qui serait plus favorable à leur pleine réalisation. Ils se sont interrogés sur l’attitude du Canada qui refuse que ses obligations à l’égard du Pacte soient invoquées devant les Tribunaux, comme c’est arrivé récemment lorsqu’une personne sans-abri a voulu invoquer son droit au logement devant la Cour suprême. Les experts de l’ONU ont pressé le Canada et les provinces de donner aux droits économiques, sociaux et culturels le même poids qu’aux droits civils et politiques, en les rendant exécutoires, invocables devant les Tribunaux.

Un autre enjeu soulevé à plusieurs reprises lors de la comparution du Canada est la manière dont le Canada s’assure que les droits économiques, sociaux et culturels s’appliquent aussi aux activités des grandes entreprises canadiennes que ce soit au pays ou à l’étranger. Des experts ont également demandé si le Canada s’assure que les droits humains soient pris en considération dans les accords internationaux signés par le Canada.

La situation déplorable vécue à tous les niveaux par les Autochtones, qu’ils vivent dans leurs communautés ou dans des milieux urbains, a traversé l’ensemble des interventions. Il en a été même de la nécessité d’assurer une égalité plus réelle entre les hommes et les femmes.

Le budget, un révélateur

Dans sa première réponse aux questions du Comité, la cheffe de délégation Rachel Wernick, sous-ministre adjointe à Patrimoine Canada a invoqué le « Canada nouveau » créé par l’élection du gouvernement libéral de Justin Trudeau. Elle a dit compter sur le prochain budget du ministre des Finances, Bill Morneau, pour annoncer des investissements majeurs permettant au Canada de progresser dans la pleine réalisation des droits reconnus dans le Pacte international. « Selon les paroles mêmes de la représentante du Canada, le prochain budget sera un révélateur de la volonté gouvernementale de permettre la réalisation des droits. C’est donc à la lumière de ces droits qu’il faudra juger le budget. Contiendra-t-il des investissements importants dans le logement social, dans la lutte contre l’itinérance et dans la lutte contre la pauvreté? Augmentera-t-il le transfert canadien aux programmes sociaux notamment destiné à l’assistance sociale et à l’éducation postsecondaire? Accroîtra-t-il celui à la santé ».

Le FRAPRU actif

Tout au long de la semaine, la délégation du FRAPRU, composée de François Saillant et de deux militants de l’organisme, Réal Brais et Catherine Lussier, a collaboré avec une vingtaine d’organismes non-gouvernementaux canadiens dans leurs efforts pour faire part de leurs préoccupations et de leurs recommandations. Il a participé à deux rencontres très fructueuses avec le Comité des droits économiques, sociaux et culturels. Les membres du Comité spécialisés dans les enjeux de logement et d’itinérance, ainsi que d’aide sociale, ont aussi été rencontrés individuellement.

-30-