Montréal, le 14 novembre 2013 – C’est en rendant public un album-photo de 52 pages et en organisant une fête populaire dans un centre communautaire du sud-ouest de Montréal que le Front d’action populaire en réaménagement urbain célèbre aujourd’hui un double anniversaire.
Le FRAPRU a en effet été fondé il y a 35 ans, au terme d’un colloque populaire qui, à l’automne 1978, a réuni 36 groupes de tout le Québec.
Cet évènement s’inscrivait dans la foulée de la lutte contre la rénovation urbaine qui, elle, s’était amorcée quinze ans plus tôt, avec l’apparition, en 1963, de comités de citoyennes et de citoyens dans les quartiers du Sud-Ouest de Montréal. Cette formule, qui allait au cours des années suivantes être reprise à Québec, Hull et Trois-Rivières, a marqué le coup d’envoi de ce qu’on appelait alors les groupes populaires et qu’on qualifie aujourd’hui de mouvement communautaire autonome.
Une problématique qui est toujours d’actualité
Les comités de citoyennes et de citoyens et le FRAPRU se sont tous deux formés autour d’une grande préoccupation : le maintien des populations à faible et modeste revenus dans les quartiers populaires.
Dans les années 1960 et 1970, la construction massive d’édifices à bureaux, de complexes hôteliers et d’autoroutes a entraîné la démolition de 28 000 logements à Montréal, de 2300 à Québec et de 1500 à Hull. Des dizaines de milliers de familles et de personnes ont ainsi été déracinées. Vers la fin des années 1970, le réaménagement urbain s’est davantage axé sur l’amélioration des quartiers et la rénovation domiciliaire. Les conséquences n’ont toutefois pas été très différentes pour les populations résidantes, les rénovations majeures faisaient grimper les loyers, ce qui avait pour effet de chasser les locataires plus pauvres. C’est dans ce contexte que le FRAPRU a vu le jour.
Selon François Saillant, coordonnateur de l’organisme depuis 1979, le maintien des populations à faible revenu dans les quartiers populaires demeure encore aujourd’hui un défi : « Les locataires à faible et modeste revenus ont toujours autant de difficultés à demeurer dans leurs quartiers, particulièrement s’ils sont situés à proximité des centres-villes. Les loyers y ont explosé depuis le début des années 2000, la construction de logements locatifs y est au point mort et la conversion de logements locatifs en condominiums continue à miner le parc locatif à loyer plus abordable ».
Sur l’île de Montréal, par exemple, à peine 723 logements locatifs ont été mis en chantier en 2012. Or, 668 logements ont été, au même moment, l’objet de demandes de conversion de logements locatifs en condos à la Régie du logement et il ne s’agit là que de la pointe de l’iceberg, la plupart des conversions se faisant de manière détournée, sans passer par la Régie.
Le logement social : une lutte qui se poursuit
Très tôt, au cours de son histoire, le FRAPRU a décidé de prioriser la lutte pour le financement du logement social dans ses efforts pour assurer tant le droit à la ville que celui au logement.
Les interventions qu’il a organisées à ce sujet sont innombrables : manifestations, pétitions, publication de recherches et de dossiers noirs sur le logement et la pauvreté, actions directes de désobéissance civile (occupations de bureaux, squats, camps ou bidonvilles dans des lieux publics), etc. Depuis le début des années 2010, le FRAPRU a littéralement sillonné le Québec, de la Côte-Nord au Nunavik et de l’Abitibi-Témiscamingue à la Gaspésie, avec l’organisation de deux caravanes de mal-logés et d’une commission populaire itinérante sur le droit au logement
François Saillant considère que « tous ces efforts ont payé, le Québec étant la seule province canadienne à disposer d’un programme, AccèsLogis, permettant la réalisation d’un nombre significatif de logements sociaux ». Il ajoute cependant que l’avenir de cette formule est loin d’être assuré pour autant : « Non seulement le développement de nouveaux logements sociaux coopératifs et sans but lucratif continue-t-il d’être soumis année après année aux arbitrages budgétaires dus à l’obsession du déficit zéro, mais ce sont les logements sociaux existants qu’il faut maintenant défendre ». L’enjeu est de taille, 127 000 logements sociaux devant perdre, au fil des années, les subventions à long terme reçues du gouvernement fédéral. Cet arrêt compromet particulièrement l’accessibilité financière des logements concernés non seulement pour les locataires qui y demeurent présentement, mais aussi pour l’ensemble des ménages qui en auront besoin à l’avenir.