Le soutien gouvernemental aux groupes communautaires et aux fondations – Le diable est dans les détails

Par Marie-José Corriveau, coordonnatrice du FRAPRU

Action de perturbation à la Caisse de dépôt et placement du Québec, le 7 février 2017, dans le cadre de la campagne « Engagez-vous pour le communautaire », à Montréal. Une action s’est également déroulée simultanément au Complexe G, à Québec. (photo : Céline
Magontier).

Au milieu des années 2000, Québec a accordé 350 millions $ sur 12 ans à la Fondation Chagnon, pour ses programmes Québec en forme (2007- 2017) et Avenir d’enfants (2009-2019). Le milieu communautaire a alors grincé des dents ; on n’acceptait pas que des montants aussi importants soient détournés des programmes sociaux et que la Fondation choisisse dorénavant les groupes bénéficiaires des subventions gouvernementales et privées.

En 2015, le gouvernement Couillard a récidivé en accordant 22 millions $ en 5 ans, à Fondation du Dr Julien, pour le développement du réseau de pédiatrie sociale en communauté. La Fédération québécoise des organismes communautaires Famille s’est insurgée, dénonçant les coupures infligées les années précédentes aux centres de la petite enfance (CPE) et le sous-financement chronique imposés aux organismes communautaires Famille, depuis 2004.

La campagne Engagez-vous pour le communautaire réclame, pour sa part, 475 millions $ de plus par année pour financer la mission des 4000 groupes d’action communautaire autonome. À cela le gouvernement objecte que le soutien financier gouvernemental en action communautaire est passé de 473 millions $, en 2000-2001, à 959 millions $, en 2013-2014[1]. Ce que les Libéraux ne disent pas, c’est que ces sommes comprennent tous les contrats de services signés avec des organismes sans but lucratif.

Détournement de mission minant

Dans le domaine de la santé et des services sociaux, le phénomène est en croissance et constitue une véritable menace pour l’intégrité des services publics. Des ententes sont signées entre le Ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) et les groupes, en marge des conventions collectives, sans rapport de force de la part des conseils d’administration des organismes. Ce constat en inquiète plusieurs qui envisagent même de lancer une campagne de syndicalisation dans les groupes concernés.

L’enjeu n’est pas que syndical. Faute d’un financement à la mission suffisant, les groupes qui succombent aux pressions du MSSS, affaiblissent leur autonomie. Non seulement ils doivent subordonner leurs priorités à celles du ministère, mais ils mettent en veilleuse leurs propres projets et les innovations sociales qui pourraient en émerger.

Plus encore, le recours à des tiers pour rendre des services publics, même s’ils sont du milieu communautaire, altère la responsabilité de l’État et le pouvoir des citoyennes et des citoyens. Comment réclamer et obtenir un traitement égal, où qu’on soit au Québec et quelque soit sa condition, alors que la livraison des services est morcelée et sans continuité ?

Pour toutes ces raisons, les groupes de défense collective des droits devraient être préoccupés par le virage « services » observé dans le secteur communautaire de la santé et des services sociaux. Tous ont intérêt à ce que l’ensemble obtienne un financement à la mission suffisant, doublé d’un respect de l’autonomie, conformément à la politique de reconnaissance et de financement de l’action communautaire de 2001, L’action communautaire : une contribution essentielle à l’exercice de la citoyenneté et au développement social du Québec.

[1] Répartition régionale du soutien financier gouvernemental en action communautaire, de 2001-2002 à 2013-2014, MESS, en ligne : https://www.mess.gouv.qc.ca/publications/pdf/SACAIS_repartition_soutienfinancier_2000-2001_2013-2014.pdf