Sept-Îles, le 16 mai 2013 – « Il est à espérer que ce rapport, qui montre les coûts humains et sociaux de la crise du logement qui sévit sur la Côte-Nord, contribue à convaincre tous les paliers de gouvernement qu’il est plus que temps de poser des gestes concrets et ambitieux pour s’attaquer à ce problème ». C’est en ces termes que Joanie Gaudreault d’Actions pauvreté Sept-Îles a accueilli le rapport de la Commission populaire itinérante au logement, intitulé Urgence en la demeure, lors d’un événement public organisé conjointement avec le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), qui a initié la Commission.
Rédigé au terme d’une consultation qui a permis d’entendre les témoignages de 351 groupes et individus dans les 17 régions administratives du Québec, dont une quinzaine le 24 octobre dernier à Sept-Îles, le rapport de la Commission s’attarde sur les conséquences de l’extrême rareté de logements qui accompagne le développement économique effréné sur la Côte-Nord.
Actions pauvreté Sept-Îles rappelle à ce sujet qu’à l’automne 2012, le taux de logements inoccupés, qui devrait être de 3,0 % pour que le marché soit considéré comme équilibré, n’était que de 0,2 % à Sept-Îles dont 0 % dans les logements familiaux de trois chambres à coucher et plus. À Baie-Comeau, le taux général était de 1,9 %, mais le taux de logements inoccupés des logements de trois chambres à coucher était aussi de 0 %. Les témoignages entendus lors de l’audience de la Commission ont démontré que la rareté était aussi grande dans les autres villes de la Côte-Nord, comme Havre Saint-Pierre ou Port-Cartier.
Actions pauvreté Sept-Îles cite le rapport de la Commission qui constate que le boom économique actuel sur la Côte-Nord et en Abitibi-Témiscamingue « appauvrit davantage qu’il n’enrichit la communauté comme en ont témoigné de nombreuses personnes dans ces régions ». Le rapport évoque notamment la hausse des loyers causée par la pénurie de logements locatifs, ainsi que par la présence temporaire dans la région de travailleurs à haut revenu, capables de payer des loyers beaucoup plus élevés. Selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement, les loyers ont en moyenne augmenté de 4,4 % en 2011 et de 2,9 % en 2012, alors que ces hausses ont été de 2,6 % et de 0,7 % à l’échelle du Québec. Joanie Gaudreault estime que les personnes et les familles à faible revenu de la Côte-Nord peinent de plus en plus à payer de tels loyers, ce qui les oblige à couper dans leurs autres besoins essentiels, dont la nourriture, ou à se résigner à s’éloigner des centres urbains ou à cohabiter avec d’autres ménages, souvent dans des logements trop petits.
La discrimination au moment de la recherche d’un logement est une autre conséquence de la pénurie identifiée dans le rapport de la Commission populaire. Un exemple donné par la Commission est la publication dans les journaux de la Côte-Nord d’annonces de logements à louer s’adressant uniquement à des travailleurs… et il ne s’agit pas de ceux et celles de chez McDonald.
Parmi les autres effets de la pénurie, Urgence en la demeure évoque l’aggravation de l’itinérance, qu’elle soit visible ou voilée, et le harcèlement exercé par certains propriétaires, notamment pour se débarrasser de leurs locataires actuels afin de faire place à d’autres jugés plus rentables.
Pour le respect du droit au logement
Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU, considère que « tous ces problèmes représentent autant de violations au droit au logement et ont des impacts négatifs sur l’exercice d’autres droits dont ceux à l’alimentation, à la santé, à la sécurité ou encore à l’égalité ».
Elle réclame des gestes concrets de la part des autorités politiques, en particulier le financement d’un beaucoup plus grand nombre de logements sociaux : « En 2012, le marché privé n’a mis en chantier que 30 logements locatifs à Sept-Îles et 6 à Baie Comeau. Comme il ne semble pas intéressé à construire de nouveaux logements et qu’il ne le fait qu’à prix élevé, quand il s’y résout, la seule solution réside dans le logement social, ce que constate aussi le rapport de la Commission. Or, ce n’est pas en finançant 3 000 logements sociaux par année à l’échelle du Québec que les gouvernements vont y parvenir ». Pour un, le FRAPRU en réclame 50 000 sur une période de cinq ans.
Mme Laflamme ajoute que le rapport de la Commission fait écho à des propos tenus lors de l’audience de Sept-Îles à l’effet que le seul programme de logement social encore en vigueur, AccèsLogis, ne tient pas suffisamment compte des coûts beaucoup plus élevés de construction sur la Côte-Nord et que le programme devrait être revenu en conséquence.
Le FRAPRU partage par ailleurs l’inquiétude des 14 experts et expertes, qui ont agi comme commissaires indépendants, quant à la très faible utilisation par les locataires des recours légaux à leur disposition. Selon l’organisme, cela démontre jusqu’à quel point les locataires manquent d’information sur leurs droits et recours et comment ces derniers sont inefficaces. L’organisme applaudit à deux autres recommandations de la Commission, soit la révision de toute urgence du mandat et de la gestion de la Régie du logement pour qu’elle soit plus efficace et équitable, ainsi que « le renforcement des moyens dont dispose la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec afin de lutter contre la discrimination et le harcèlement en matière de logement ».