Les problèmes de logement n’ont pas disparu

Le mot « logement » a été bien peu prononcé à l’Assemblée nationale depuis l’élection en septembre 2012 du gouvernement péquiste de Pauline Marois. Il en était de même lorsque c’est l’ex-premier ministre libéral, Jean Charest, qui avait « les deux mains sur le volant ». Force est de constater que l’enjeu de l’habitation ne pèse plus très lourd dans les préoccupations des gouvernements et des partis politiques, surtout depuis que la pénurie de logements locatifs a commencé à régresser presque partout au Québec et que les grands médias se sont désintéressés de la question. Or, ce n’est pas parce que le logement fait moins la manchette que les problèmes, eux, se sont dissipés.

Ainsi, la rareté de logements qui, dans plusieurs grandes villes, a duré une bonne décennie, a laissé des traces sur le coût des loyers. Selon les Rapports sur le marché locatif de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, le loyer moyen d’un logement de deux chambres à coucher a augmenté de 41 % à l’échelle du Québec entre 2000 et 2013. La hausse a été de 46 % dans la région métropolitaine de Québec et de 43 % dans celle de Montréal. Le loyer mensuel moyen s’élève maintenant à 678 $ au Québec et il est supérieur à 700 $ dans les régions de Québec, Gatineau et Montréal.

Cette cherté des loyers s’est répercutée sur le nombre de locataires en difficulté. Ainsi, l’Enquête nationale auprès des ménages, menée en 2011 par Statistique Canada, dénombre 479 800 ménages locataires payant plus que la norme de 30 % de leur revenu en loyer, dont 227 900 qui en consacrent plus de 50 %. Il s’agit d’une sérieuse aggravation par rapport à la situation de 2006.

De 2010 à 2013, le nombre de causes introduites ou relancées à la Régie du logement pour non-paiement de loyer est de 46 000. C’est 5000 de plus que la moyenne atteinte dix ans plus tôt.

Dans leur Bilan-Faim pour 2013, les Banques alimentaires du Québec révèlent que 66 % des personnes qui ont recours à leurs services sont des locataires du marché privé, en faisant remarquer que « souvent, l’alimentation est la première dépense compressible lorsque ces personnes ont un revenu insuffisant pour couvrir le reste des dépenses familiales »[1]. La première stratégie politique identifiée par les banques alimentaires pour s’attaquer au problème grandissant de la faim est l’accroissement du nombre de logements abordables.

Cela rejoint partiellement une des grandes conclusions de la Commission populaire itinérante sur le droit au logement qui a parcouru le Québec à l’automne 2012 : « Il existe une interdépendance étroite entre les droits de base, dont celui à l’éducation, à la nourriture, au logement et à la santé. Une entrave à l’un de ces droits se répercute inévitablement sur les autres »[2].

Une embellie précaire

On aurait par ailleurs tort de croire que la pénurie de logements locatifs est totalement derrière nous. Des régions comme l’Abitibi-Témiscamingue et la Côte-Nord sont depuis plusieurs années aux prises avec une rareté persistante d’appartements à louer, le taux de logements inoccupés y dépassant à peine 0 %.

Les grands logements pour familles, eux, demeurent rares en plusieurs endroits, notamment dans les régions métropolitaines de Québec, Saguenay et Montréal.

Quant à la construction de logements locatifs privés, malgré une légère remontée en 2013, elle continue de battre de l’aile à l’échelle du Québec. Pire encore, sur l’île de Montréal, les mises en chantier d’appartements à louer, qui étaient déjà au plus bas en 2012, ont chuté à nouveau en 2013 pour atteindre le misérable chiffre de 551.

Un phénomène nouveau explique que le taux de logements inoccupés ait malgré tout remonté dans des régions comme Montréal et Québec. Il s’agit de la location d’unités de condominiums. Le Rapport sur le marché locatif de l’automne 2013 permet de constater que le nombre d’unités de copropriétés mises en location est de 17 000 dans la région métropolitaine de Montréal, dont 11 000 sur l’île même. Dans la région de Québec, 2800 appartements de ce type sont offerts à des locataires. Tout cela a pour effet de soulager le marché locatif traditionnel. On peut cependant se demander si le phénomène, lié à la surabondance de condos, sera durable. On doit surtout constater que les unités de copropriétés se louent à des loyers beaucoup plus élevés, soit 1124 $ par mois dans la région de Montréal et 958 $ dans celle de Québec… Ce n’est sûrement pas cela qui va répondre au besoin de logements à bas loyer.


[1] Les Banques alimentaires du Québec, Bilan-Faim, Québec 2013, Statistiques compilées du 1er au 31 mars 2013, p. 9.

[2] Urgence en la demeure, Rapport de la Commission populaire itinérante sur le droit au logement, mars 2013, p. 7.