Québec, le 24 mai 2025 —Alors que la rareté de logements locatifs perdure et que le loyer médian dans la région métropolitaine de Québec a augmenté de 47 % depuis le début de la pénurie en 2018, une manifestation régionale pour des investissements massifs dans le logement social se tient cet après-midi. La manifestation, à laquelle prennent part 120 personnes malgré la pluie, est organisée par les membres du FRAPRU à Québec dans le cadre de la Semaine d’actions du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU). Leur message: si le développement du logement social n’est pas mieux financé et planifié, la crise d’inabordabilité qui frappe les locataires de la région ne fera qu’empirer.
Avec le FRAPRU, les groupes logement de Québec pressent le gouvernement Legault de prévoir immédiatement de nouveaux investissements pour le logement social. Sans cela, le développement de logements sociaux, qui a connu une bonne année à Québec en raison d’investissements datant déjà de plusieurs mois, risque d’être de nouveau au ralenti. Le virage du gouvernement caquiste vers le financement à la pièce de projets où l’abordabilité réelle n’est pas garantie leur font craindre que les projets qui réussiront à se réaliser dans l’avenir ne répondent pas aux besoins urgents. Pour cette raison, le FRAPRU et ses groupes membres à Québec revendiquent au moins un programme pérenne et uniquement dédié au logement social. Tout en déplorant que le gouvernement caquiste se soit contenté de suivre les investissements fédéraux dans les derniers mois, plutôt que de se doter de cibles ambitieuses dans sa stratégie en habitation, le FRAPRU et ses membres interpellent le nouveau gouvernement canadien pour qu’il bonifie sans tarder ses investissements dans le logement social.
Au terme de la manifestation, les militantes et militants pour le droit au logement occupent un site vacant illustrant les conséquences du manque de prévisibilité dans le financement provincial et fédéral accordé au logement social. Acquis par la Ville de Québec en décembre 2023, les intentions pour le terrain de l’école Saint-Louis de Gonzague ne sont toujours pas connues. Le Comité populaire Saint-Jean-Baptiste a déjà revendiqué un projet de coopérative appelé La Contrescarpe sur ce site. Mais, même si la Ville de Québec souhaitait y développer du logement social maintenant qu’elle en est propriétaire, ce ne serait pas possible à court terme sans les investissements nécessaires du gouvernement québécois.
Manque de logements sociaux: un sentiment d’urgence au sein de la population
Le sentiment d’urgence est bien présent, non seulement dans les groupes de défense du droit au logement, mais chez les locataires qui voient le prix des logements exploser et qui constatent que les projets immobiliers privés annoncés contribueront à tirer encore plus les loyers vers le haut. « Le marché privé occupe une trop grande place et les prix exorbitants contribuent à rendre précaire la situation d’un nombre grandissant de locataires » s’inquiète Gabrielle Verret, permanente au Comité populaire Saint-Jean-Baptiste et porte-parole des membres du FRAPRU à Québec. Sans contrôle du marché privé, ce serait de la pensée magique de croire que tous les logements neufs promis vont sortir les locataires à faibles et modestes revenus de la crise dans laquelle elles et ils sont plongé·e·s. Si on veut que les prix cessent d’augmenter, il faut planifier maintenant un nombre suffisant de logements sociaux, sans but lucratif, et le faire sur plusieurs années. « Dans nos quartiers, le logement social est déjà un rempart contre la gentrification et la spéculation immobilière, mais il en manque cruellement. Ça ne devrait pas être un privilège d’y avoir accès. C’est urgent d’augmenter la trop maigre part qu’il occupe actuellement », constate Gabrielle Verret.
L’approche du gouvernement caquiste nuit au développement
Pourtant, le développement futur du logement social est menacé, et ce,malgré les nombreuses mises en chantier annoncées ces dernières semaines. Le principal programme québécois permettant le financement de logements sociaux, le Programme d’habitation abordable Québec (PHAQ) est encore mal adapté pour permettre à des projets de lever de terre rapidement, constatent les groupes sur le terrain. Sauf exception, le dernier appel de projets remonte à juin 2023. La manière d’attribuer le reste des fonds publics destinés au logement social « et abordable » ajoutent à l’inquiétude. Depuis quelques mois, Québec procède à des annonces ponctuelles par décret, sans appel de projets publics ni cadre clair. Ce système d’attribution à l’extérieur de programmes gouvernementaux semble nuire à la réponse aux besoins les plus urgents, comme l’a constaté cette semaine le Vérificateur général du Québec[1]. Cet octroi de fonds publics au cas par cas se fait souvent au détriment des communautés locales. L’îlot Saint-Vincent de Paul situé sur le parcours de la manifestation offre un exemple de ces difficultés qui persistent, même lorsque la municipalité met en réserve un site à des fins de logement social. Des bannières ont d’ailleurs été accrochées autour de ce site au passage de la manifestation.
Le budget 2025-2026 n’a prévu aucune enveloppe pour de nouvelles unités de logements sans but lucratif, nuisant ainsi à la prévisibilité nécessaire au démarrage de nouveaux projets. « On n’a ni prévisibilité, ni aucune garantie pour l’avenir et à mesure que les annonces se succèdent, la ministre de l’Habitation relève les seuils de loyers admissibles des projets financés, afin de diminuer au maximum la contribution de Québec », dénonce Véronique Laflamme, la porte-parole du FRAPRU. « Il est urgent de se doter d’un vrai plan de match et de se donner des objectifs chiffrés de réalisation de logement réellement abordables immédiatement pour les milliers de locataires qui en ont besoin. Ne pas le faire nous coûte très cher collectivement », martèle la porte-parole. Le FRAPRU et ses membres estiment qu’il faudrait au minimum doubler le parc de logements sociaux en quinze ans. Concrètement, cela signifie qu’il faut réaliser au moins 10 000 nouvelles unités par an. Pour y arriver, des investissements immédiats des deux paliers de gouvernements et des programmes publics consacrés au logement social sont nécessaires.
Tout au long de la semaine, le Comité populaire Saint-Jean-Baptiste, le Comité logement d’aide de Québec Ouest, le Comité des citoyennes et citoyens du quartier Saint-Sauveur et la Table citoyenne Littoral Est se sont relayés pour identifier des sites où des logements sociaux pourraient voir le jour et mettre en lumière les besoins dans les différents quartiers. Ils ont interpellé la Ville pour qu’elle augmente la cadence en matière d’acquisition d’immeubles et de terrains et pour qu’elle double son objectif actuellement de 500 logements sociaux par année. Au moins 1000 sont nécessaires par année selon eux pour répondre aux besoins les plus urgents et contenir l’inabordabilité induite par les nombreux développements immobiliers privés. Du même souffle, ils ont rappelé aux gouvernements canadien et québécois leur devoir d’agir pour mettre en œuvre le droit au logement qu’ils voient actuellement reculer.
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Renseignements et entrevues:
Véronique Laflamme, FRAPRU : 418 956-3403 (cell.)
Gabrielle Verret, Comité populaire Saint-Jean-Baptiste : 418-262-5040 (cell.)
[1] Le rapport 2024-2025 du VGQ constate que dans les faits, une faible proportion des 15 113 logements en développement ou en réalisation seront des réservés aux ménages à faible revenu. En effet, écrit le VGQ, dans le cadre des nouvelles initiatives (PHAQ, ententes avec les fonds fiscalisés et les développeurs), seulement 26 % des logements sont octroyés ou sont réservés à des ménages à faible revenu.