Côte-Nord: un vent de développement qui balaie jusqu’au droit au logement

C’est à l’enseigne de la rareté extrême de logements locatifs sur la Côte-Nord que s’est déroulée l’audience de la Commission populaire, à Sept-Îles, le 24 octobre. À l’automne 2012, le taux de logements inoccupés n’était que de 0,2 % dans cette ville. À Sept-Îles comme à Baie-Comeau, ce pourcentage était carrément de 0 % dans le cas des grands logements familiaux de trois chambres à coucher et plus. Même si la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) ne tient pas ce genre de statistiques pour Port-Cartier ou Havre-Saint-Pierre, la situation n’y est pas plus reluisante.

Cette crise, elle a une cause que plusieurs intervenantes et intervenants à la Commission ont nommée sans ambiguïté  : un développement économique effréné, sans préoccupations sociales ou écologiques, alimenté par le Plan Nord lancé par l’ex-gouvernement libéral de Jean Charest. Un tel développement repose en grande partie sur un phénomène baptisé «  fly in and fly out  », c’est-à-­dire le recours à une main-d’œuvre à haut salaire venue de l’extérieur de la région et qui la quitte dès qu’elle le peut.

Comme l’a expliqué Doris Nadeau, d’Opération Quadruple de Sept-Îles, en point de presse avant l’audience de la Commission, ce sont les ménages à plus faible revenu qui font davantage les frais de cette crise du logement  : «  Les personnes à revenu plus élevé, en particulier celles qui viennent de l’extérieur de la région pour profiter du boom économique actuel, parviennent toujours à se loger. C’est beaucoup plus dur pour les locataires dont le revenu n’a pas augmenté, malgré la manne. Ces ménages doivent vivre de la discrimination dans la recherche d’un logement et quand ils en trouvent un, ils ont à y consacrer un pourcentage beaucoup trop élevé de leur revenu ou à se rabattre sur les appartements en pire état  ». Soulignons que le loyer moyen des logements privés a augmenté de 12,5 % à Sept-Îles, entre les automnes 2009 et 2012.

Une absence qui a des conséquences

L’audience a permis d’entendre plusieurs témoignages sur les conséquences concrètes de l’absence de logements locatifs. Comme l’a dit une représentante de la Ressource Féminin Pluri’ Elles, qui offre hébergement et soutien aux femmes victimes de violence conjugale, «  on peut discuter longtemps de l’absence de ceci ou de cela, mais la réalité fait encore plus mal que l’absence  ».

Cette réalité, ce sont des femmes victimes de violence qui, faute de logements qu’elles peuvent payer, n’arrivent pas à sortir de la maison d’hébergement qui doit les accueillir temporairement.

Cette réalité, ce sont des logements et des chambres dont le loyer double du jour au lendemain. Ce sont des logements neufs qui se louent 1 200 $ ou plus par mois. Ce sont des propriétaires qui annoncent dans les journaux qu’ils ne louent qu’à des travailleurs. Ce sont des personnes assistées sociales ou des Innus originaires de Uashat et de Mani-Utenam qui sont l’objet de discrimination systémique et-ou d’étiquetage. Ce sont des personnes ou des familles qui s’entassent dans des logements trop petits ou encore qui se retrouvent en situation d’itinérance, devant dormir en toutes sortes d’endroit, allant de l’automobile à une entrée de blocs appartements ou un garage.

Ce sont des ménages à qui on loue des logements ou des chambres sans qu’ils puissent signer de baux et auxquels on fait croire qu’ils n’ont ni le droit de s’opposer à des hausses de loyer abusives, ni celui d’empêcher leur éviction au profit de locataires plus «  payants  ». C’est une Régie du logement qui, volontairement ou non, se montre impuissante, impotente.

C’est malheureusement aussi un programme, AccèsLogis, qui, comme en ont témoigné les représentantes du Groupe de ressources techniques Cité des bâtisseurs et le président de l’OMH de Havre-Saint-Pierre, n’est pas adapté à la réalité d’une région comme la Côte-Nord. Les coûts de réalisation des projets y sont beaucoup plus élevés que dans les grands centres (30 % ou plus). Par ailleurs, les communautés, souvent de petites tailles, n’ont pas les moyens d’assumer des contributions du milieu de centaines de milliers de dollars qui seraient nécessaires pour la concrétisation des projets ((Dans son premier budget, présenté le 20 novembre, le gouvernement Marois a prévu des investissements additionnels pour ce qu’il a appelé «  l’occupation du territoire  ». Il reste à savoir s’ils seront suffisants pour faire débloquer les projets de logement social de la Côte-Nord.)).