Montée de l’extrême droite : nul n’est à l’abri

Tout va tellement vite. À peine encaissé le sursaut de l’élection de Trump, qu’il faut déjà s’inquiéter des répercussions et dérives ici. Car il serait dangereux de croire le Canada et le Québec vaccinés contre l’extrême droite. Le parti conservateur de l’ultraconservateur Pierre Poilievres a gagné en popularité auprès des hommes de 18-34 ans. L’extrême droite, qu’elle se définisse par son nationalisme exacerbé, sa tendance autoritaire, sa rhétorique populiste ou son hostilité aux principes démocratiques menaçant l’universalisme des droits fondamentaux, connaît une montée inquiétante dans les démocraties occidentales.

Comment s’installent ces idées, autrefois jugées marginales ou carrément déphasées ?

 Leur banalisation s’impose notamment par une bataille culturelle (sémantique, médiatique et numérique). L’extrême droite impose son vocabulaire dans l’espace public et ce faisant, impose les termes du débat dans les médias. Sur les réseaux sociaux, ses idées rétrogrades se propagent grâce à la modélisation d’un « fascisme cool » ou décomplexé (influenceurs masculinistes, tradwifes). Se multiplient aussi les attaques contre tous les espaces critiques : universités, médias indépendants, organisations de défense des droits. L’objectif est de faire reculer les idées progressistes en leur opposant une propagande simpliste et virale. Une fois ses idées implantées, le parti d’extrême droite qui parvient au pouvoir affaiblit immédiatement les institutions (réduction de la taille de l’État au minimum, coupe dans les services publics). La violence politique peut alors se décliner à travers des réformes constitutionnelles, un contrôle de la liberté de presse, la répression des contestations, etc. Partout où l’extrême droite arrive au pouvoir, les droits des minorités sont attaqués. L’exemple de l’Italie, la Hongrie, l’Argentine ou la Pologne illustre ce recul des libertés fondamentales. En quelques années, ces gouvernements ont affaibli les contre-pouvoirs, limité l’indépendance de la justice et restreint les droits des femmes et des personnes LGBTQIA+. 

Un fascisme déjà là

À certains endroits, le traitement des populations marginalisées atteste d’un niveau de violence et de déshumanisation déjà toléré. Les politiques migratoires restrictives et l’instrumentalisation de l’immigration créent un terreau propice à l’extrême droite. Les débats québécois réduisent souvent l’immigration à une approche utilitariste, soit pour restreindre l’accueil, soit pour satisfaire les besoins du marché du travail. Cette vision déshumanisante ignore les drames causés par ces politiques en plus de nier les situations qui poussent les gens à devoir fuir leurs pays.

L’itinérance est traitée avec le même mépris : perçue comme un problème sécuritaire plutôt qu’une crise humanitaire. La déshumanisation permet ainsi de justifier des politiques répressives. En liant la présence des sans-abris aux « nuisances urbaines » comme les incivilités ou la criminalité, le discours dominant, au lieu de prioriser la souffrance des personnes concernées, se focalise sur le malaise qu’elles provoquent chez les mieux nantis.

« Les terreurs que l’on craint du fascisme d’extrême droite sont déjà en place, aujourd’hui même dans le traitement des populations marginalisées »*, clamaient les auteurs d’une lettre ouverte contre les politiques de lutte à l’itinérance. La meilleure défense contre le fascisme est de ne l’accepter sous aucun prétexte et à aucune échelle. Lutter contre l’extrême droite, c’est plaider qu’il n’existe pas de seuil acceptable de déshumanisation.

et au Québec ?

Bien qu’aucun parti d’extrême droite ne domine la scène politique québécoise, certains acteurs et médias contribuent à la diffusion de ses idées. Des polémistes et même certains élus participent à la diffusion d’un discours ultranationaliste et xénophobe. Des groupes masculinistes, des mouvements contre l’immigration et des figures politiques exploitent les tensions sociales pour légitimer des politiques discriminatoires**. Les droits de grève sont mis à mal, autant par les gouvernements que les universités qui les encadrent, à un point qui frise la répression dans l’œuf.


COMMENT RÉSISTER ?

  • S’informer : déconstruire les discours haineux avec des faits. 
  • Renforcer les espaces démocratiques : participer aux instances de vos syndicats, comités logements, groupes communautaires, féministes et autres milieux militants.
  • Refuser le cadre imposé par l’extrême droite dans le débat public : « On ne discute pas les idées d’extrême droite, on les combat ». 
  • S’engager politiquement : défendre les initiatives qui promeuvent la justice sociale.
  • Lutter contre la désinformation : soutenir une presse indépendante.