Annonce d’un projet de 110 logements abordables à Val-d’Or : un cas d’école d’OSBL de façade et des dérives du gouvernement Legault en habitation

Rouyn-Noranda et Montréal, le 20 juin 2025 – Le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) et l’Association des locataires d’Abitibi-Témiscamingue (ALOCAT) s’inquiètent vivement de l’annonce faite  ce vendredi à Val-d’Or par la ministre responsable de l’habitation, France-Élaine Duranceau, de l’attribution d’unités de logement à un quatrième développeur qualifié Les organismes se questionnent sur la manière de choisir les développeurs qualifiés qui reçoivent automatiquement des fonds publics pour leurs projets de logement et sur la sélection aussi rapide de l’organisme sans but lucratif Access Patrimmo, mis récemment sur pied, alors que des organismes comptant beaucoup plus d’expérience n’ont pas ce statut.

L’OSBL Access Patrimmo, qui ne comporte que trois administrateurs, et qui semble avoir été créé au profit d’intérêts privés, a toutes les apparences d’une opération de “blanchiment social”. Derrière l’annonce impressionnante se cache en réalité un cas d’école des nouvelles pratiques cautionnées par le gouvernement Legault et sa ministre de l’Habitation : de trop rares fonds publics alloués au logement social sont détournés vers des projets qui ne garantissent ni l’abordabilité réelle, ni une gouvernance démocratique, ni garantie de la pérennité du caractère sans but lucratif de ces logements financés avec les fonds publics. 

Pour le FRAPRU et l’ALOCAT, l’octroi d’un aussi grand nombre d’unités à un organisme dont les 3 seuls membres sont ses adminsitrateurs et fondateurs et dont la structure de gouvernance ne prévoit aucune place ni pour les locataires, ni pour les organismes communautaires est inquiétant.« Il s’agit d’un OSBL qui n’en a que le nom : aucun locataire ne siège à son conseil d’administration, aucun membrariat actif autre que les administrateurs, aucune consultation des principaux concernés, les locataires, n’est documentée. Il  ne reste plus rien de l’essence même de ce modèle, fondé sur la démocratie, l’ancrage communautaire, l’implication des locataires et des loyers vraiment abordables dans le temps», déplore Marc-André Larose de l’ALOCAT. 

Bien que l’annonce d’aujourd’hui semble confirmer que les loyers des 110 premiers logements respecteront les loyers plafond du PHAQ, les organismes de défense du droit au logement ne sont pas rassurés pour l’avenir. Avec les modifications récentes apportées au Programme d’habitation aborrdable Québec (PHAQ) et le programme de financement en habitation qui permet des loyers «abordables intermédiaires» de beaucoup supérieurs aux loyers plafond du PHAQ, le FRAPRU et l’ALOCAT craignent aussi les logements qui à l’avenir pourraient être développés par Access Patrimmo ne contribuent à accélérer la hausse du prix des loyers dans la région. Les loyers de projets développés par les développeurs qualifiés utilisant le volet-2 du programme de financement peuvent en effet atteindre jusqu’à 150 % du loyer médian du marché, soit bien au-delà de la capacité de payer des locataires subissant le plus durement la crise. Les organismes rappellent que le revenu médian des 1615 ménages locataires ayant déjà des besoins impérieux de logement en Abitibi-Témiscamingue est de 16 200$. Plus d’un ménage locataire valdorien sur 5  paie plus de la norme du 30% de leur revenu pour se loger, avec un revenu médian de 23 200$.

Une instrumentalisation de la crise

« Après des années à nier la crise du logement, le gouvernement de la CAQ justifie désormais des pratiques douteuses en invoquant l’urgence d’y répondre. On a l’impression que la ministre de l’habitation aborde la crise comme un simple enjeu immobilier, en mettant l’accent sur la construction peu importe le prix et le nombre de portes, plutôt que comme un problème vécu par les locataires qui a des effets sur le tissus social des communautés», commente Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU. 

L’ALOCAT qui demande depuis des années que la crise fasse l’objet de mesures structurantes à la hauteur de la situation,  rappelle de son côté que ça ne doit  pas devenir une excuse pour accepter n’importe quel projet sans transparence, ni sans garanties pour les locataires. L’Association et le FRAPRU refusent cette stratégie choc du choix par défaut. «Oui, on veut des dizaines et des centaines de nouveaux logements publics, coopératifs, sans but lucratif dans la région, mais on veut des garanties que les locataires qui y vivent ne le feront pas au détriment de leur capacité de paiement et qu’ils auront leur mot à dire sur leurs conditions de vie », explique Marc-André Larose de l’ALOCAT. Les organismes constatent qu’avec plus de 110 logements et des centaines d’autres probablement à venir, le nouvel OSBL gérera presque autant de logements que les offices d’habitation de Val-d’Or et de Rouyn-Noranda qui eut ont chacun l’obligation de mettre en place des comités consultatifs de résidents et d’avoir 2 locataires élus par l’ensemble des locataires sur leurs conseils d’administration. Les municipalités et les groupes socio- économiques y sont aussi représentés, ce qui donne certaines garanties que l’intérêt collectif prédomine dans la prise de décision.

Ce n’est malheureusement pas un cas isolé: un autre OSBL récemment mis sur pied par des individus issus du secteur privé, sans lien avec les organismes communautaires locaux ou des locataires souhaitant améliorer leurs conditions de logement, a aussi obtenu des fonds publics pour un projet de logements abordables à Rouyn-Noranda annoncé ce mercredi. Le nouvel OSBL ne compte aucun membership au-delà de ses administrateurs ce qui fait craindre pour la gouvernance démocratique, l’ancrage communautaire et la possibilité pour les locataires et leur communauté d’avoir voix au chapitre. Ces façons de faire soulèvent des doutes sur la pérennité de la mission sociale. Pour cette raison le FRAPRU et ses groupes membres demandent à Québec d’agir rapidement pour renforcer ses exigences afin de protéger la pérennité du caractère sans but lucratif des logements et de garantir une voix au chapitre pour les locataires et leurs communautés.

Selon le FRAPRU et ses groupes membres, tout projet de logements sans but lucratif financé par des fonds publics devrait respecter des règles de gouvernance démocratique, en particulier l’exigence d’un membrariat dépassant les seuls membres du conseil d’administration et la représentation des locataires ou de représentants des locataires sur les conseils d’administration. Le gouvernement du Québec et la Société d’Habitation du Québec devraient immédiatement prévoir des balises strictes à ce sujet dans leurs programmes avant d’octroyer des fonds publics. Il faudrait aussi renforcer la loi sur les compagnies pour mieux protéger la pérennité des organismes sans but lucratif en habitation, notamment en définissant leur membership, afin de contrer la mise en place d’OSBL par des promoteurs privés. « Le FRAPRU et plusieurs autres regroupements communautaires en habitation travaillent dans la perspective d’augmenter significativement la part occupée par le logement social sur le parc locatif afin de sortir durablement les locataires de la crise du logement, on ne peut pas se permettre de financer aujourd’hui des logements qui n’auront plus la même vocation dans 15, 20 ans », conclut Véronique Laflamme.

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Renseignements et entrevues :
Marc-André Larose, ALOCAT: 819-290-7772

Véronique Laflamme, FRAPRU: 418 956-3403