Pour une justice sociale et environnementale


Contingent du FRAPRU lors de la manifestation pour le climat, réunissant un demi million de personnes, à Montréal, le 27 septembre 2019. Photo :  Céline Magontier.

Le 27 septembre dernier, une incroyable mobilisation a eu lieu dans de nombreuses régions du Québec dénonçant l’inaction des gouvernements face à l’urgence climatique. Une mobilisation qui prend racine dans les menaces des dérèglements climatiques, de perte de la biodiversité et l’augmentation des gaz à effet de serre (GES).

Canicules, sècheresses, inondations, tornades, marées spectaculaires et érosion des rivages, coulées de boue, effondrements des glaciers, sont de plus en plus fréquents et touchent plus durement les populations vulnérables. Le climat se réchauffe deux fois plus vite au Canada qu’ailleurs. Ces dérèglements climatiques continuent de creuser les inégalités sociales mettant en péril la réalisation des droits économiques sociaux et culturels (DESC), dont le droit au logement.

Dans le Nord du Québec, des villages inuits sont menacés de disparaître, avalés par les grandes marées ou par la boue, au fur et à mesure que le pergélisol fond. Un rapport d’octobre dernier du Climate Central, un institut étasunien de recherches[1] laissait entrevoir les zones inondables d’ici 10 ou 15 ans, dont plusieurs au Québec, comme à Sainte-Marie-de-Beauce, aux alentours du lac des Deux-Montagnes, à Sainte-Flavie, aux Îles-de-la-Madeleines, au Saguenay/Lac-Saint-Jean, sur la Côte-Nord, en Mauricie; même dans la Capitale nationale, des secteurs seront inondés définitivement ou à répétition.

L’aggravation des dérèglements climatiques fragilise les infrastructures urbaines, dont les bâtiments, et exacerbe les problématiques d’insalubrité dans les logements. La pénurie de logement sévissant au Québec rend souvent difficile, voire impossible, dans certaines régions, la possibilité aux ménages locataires de se loger décemment lorsqu’ils sont atteints par les conséquences de ces dérèglements. À Gatineau, par exemple, une trentaine de familles, victimes des inondations et des tornades survenues entre 2017 et 2019, n’ont toujours pas de logement et se retrouvent dans des hébergements temporaires depuis des mois.

L’urgence d’agir

Les gouvernements fédéral, provincial et municipal doivent mettre en place, dès maintenant, des mesures pour diminuer l’émission des GES afin d’atteindre les cibles fixées par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Ces mesures doivent prendre en compte les populations les plus vulnérables, les premières à subir les conséquences des changements climatiques. Elles doivent permettre une réduction des inégalités sociales et, viser une transformation du système économique, responsable de la destruction de notre environnement, ce qui, dans la foulée, permettrait une réelle justice sociale et fiscale pour tous et toutes.

Pour une transition juste

De nombreux groupes réclament la mise en place de mesures pour faciliter une transition écologique et énergétique permettant de réduire les émissions de GES. Mais au-delà des objectifs environnementaux, cette transition, si elle n’est pas inclusive, pourrait reproduire, voire aggraver les inégalités sociales et la violation des droits humains.

Nous pouvons penser au développement des différents réseaux de transport en commun dans certaines régions et dans les villes. Autant, il est nécessaire pour réduire les émissions de GES produit dans ce secteur, mais il a de graves conséquences sur les ménages locataires. Des quartiers, qui étaient loin du transport en commun jusqu’à ce moment, deviennent attractifs. La valeur foncière des terrains et des bâtiments augmente. La spéculation foncière qui en résulte a un impact important sur les prix des loyers. Les ménages locataires se retrouvent face à des hausses de loyer abusive ou des reprises de logement. À terme, ils sont obligés de quitter leur quartier. Le développement du transport n’est qu’un exemple de mesures environnementales qui affectent directement le droit au logement au Québec. Nous pourrions nommer aussi les mesures de verdissement qui peuvent avoir des conséquences similaires. C’est ce qu’on appelle l’éco-gentrification.

Des solutions doivent être apporté par les gouvernements et les municipalités, en amont, pour protéger les ménages locataires les plus vulnérables contre les effets pervers de cette transition. Certaines villes se sont munies de zonage résidentiel ou d’un contrôle des loyers pour réduire l’impact de la spéculation. Investir dans le développement du logement social est également nécessaire. Ceux-ci permettent non seulement aux gens à faible et à modeste revenus d’accéder à un logement convenable, à prix qu’ils sont capables de payer, mais ils les mettent également à l’abri des reprises de possessions, des conversions en condos ou en hébergements touristiques.

Bref, pour être réussie, la transition écologique et énergétique doit viser également la réduction des inégalités et la reconnaissance des droits économiques, sociaux et culturels, tel le droit au logement. Les gouvernements supérieurs doivent donner le ton. Nous ne pouvons plus attendre.


[1] Source:  Radio-Canada — Info; « 300 millions de personnes menacées par la montée des océans d’ici 2050 »; 30 octobre 2019;  https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1367987/montee-oceans-menace-population-etude.