Bilan du 1er juillet 2025: l’inabordabilité du logement doit enfin être prise au sérieux

Montréal, le 3 juillet 2025 – Alors que l’inabordabilité s’étend à travers la province, le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) dresse un bilan préoccupant de la crise du logement au Québec, aux lendemains du 1er juillet.

Selon la plus récente compilation effectuée par la Société d’habitation du Québec (SHQ), 1899 ménages locataires étaient accompagnés activement par un service d’aide à la recherche de logement. Ce nombre est plus élevé qu’à pareille date l’an dernier (1688), ce qui confirme que la situation de nombreux·ses locataires continue de se détériorer. Cela, malgré une légère hausse du taux d’inoccupation* et une augmentation marquée des mises en chantier* de logements locatifs. Parmi les ménages locataires activement accompagnés, plus de 400* étaient officiellement déclarés en hébergement temporaire, organisés par une municipalité ou chez des proches.

Le FRAPRU constate une hausse du nombre de ménages qui reçoivent un accompagnement actif dans leur recherche de logement, là où un service d’aide existe. Il note aussi que cet accompagnement s’étire de plus en plus dans le temps. L’an dernier, le nombre de personnes et de familles hébergées a augmenté durant la première moitié du mois de juillet. L’organisme s’attend à ce que ces chiffres continuent de gonfler dans les prochains jours. Cela illustre la profondeur de la crise : la rareté de logements disponibles combinée à leur prix élevé empêche des milliers de locataires de se reloger de manière permanente dans un temps et des conditions acceptables. La mise en place d’une quarantaine de Service d’aide à la recherche de logement (SARL) par les offices d’habitation et la Société d’habitation du Québec et leur financement depuis 3 ans fait une différence selon le FRAPRU qui espère que ces services à l’année soient pérennisés.

En 2025, c’est l’accélération de la hausse des loyers qui frappe de plein fouet. Déjà, avant les nouvelles hausses en vigueur au 1er juillet, les récentes données de Statistique Canada démontrent que les logements disponibles à la location sont beaucoup plus chers, voire carrément inaccessibles pour un grand nombre de locataires. Rappelons que le revenu médian de l’ensemble des locataires du Québec était de 48 400$ lors du recensement de 2021. Près de 373 000 ménages locataires au Québec payaient alors déjà plus de la norme de 30% de leur revenu pour se loger avec un revenu médian 23 800$. C’est la capacité de payer de ces ménages, de plus en plus nombreux à être exclus du marché privé, qui devrait orienter les politiques en habitation, selon le FRAPRU.

L’inabordabilité pousse à la précarité

Plusieurs ont accepté des hausses de loyers insoutenables, faute d’alternatives. Cela ne sera pas sans conséquence sur leur qualité de vie.  L’organisme souligne que l’on sous-estime encore l’ampleur du mal-logement qui en découle: les violences conjugales endurées, les projets de vie abandonnés, etc. Un budget compressé met en péril le droit à la santé et à la dignité. « La situation au 1er juillet est emblématique d’une crise plus large. Elle ne représente que la partie visible d’un fléau vécu à l’année qui reste sous-évalué », rappelle Véronique Laflamme, la porte-parole du FRAPRU. Le regroupement de défense du droit au logement déplore aussi le manque de protections législatives suffisantes contre les abus du marché immobilier. La précarité résidentielle est grandissante, observe-t-il.

Des solutions structurantes attendues

« On aura beau inonder le marché de logements neufs*, si ceux-ci ne sont pas réellement abordables immédiatement, on ne règlera rien », tranche Véronique Laflamme. Selon elle, pour s’en assurer, il est urgent que les gouvernements agissent en se dotant d’objectifs chiffrés de logements sociaux à construire, afin d’en doubler le nombre d’ici 15 ans.

« Tant que le logement social ne représentera pas une part beaucoup plus importante du parc locatif, la crise va se perpétuer. Ce n’est pas une fatalité : c’est un choix politique », conclut Véronique Laflamme.

Pour y arriver, il faut des programmes beaucoup mieux adaptés que ceux actuellement en place et un financement gouvernemental suffisant et prévisible, ce qui fait cruellement défaut. Il faut surtout assurer l’abordabilité de tous les logements qui ont reçu du financement public : on ne peut se permettre que les trop rares sommes allouées au logement social ne répondent pas au besoin des mal-logés.

Depuis 2018, le FRAPRU presse le gouvernement Legault d’agir pour éviter la situation que nous vivons aujourd’hui n’empire. En mettant en place les mesures qui s’imposent plus tôt, des drames humains auraient pu être évités, rappelle-t-il. Des choix politiques ont contribué à l’effritement du parc de logements encore abordables sur le marché privé et au manque persistant de logements sociaux, dénonce le FRAPRU. Bien qu’il reconnaisse la livraison et la mise en chantier récente de quelques milliers de logements sociaux, le FRAPRU rappelle que plusieurs étaient attendus depuis des années et que d’autres découlent d’investissements conjoints avec le fédéral, annoncés en 2023. Malgré les quelque 10 000 logements sociaux et « abordables » actuellement en réalisation, le gouvernement du Québec n’offre toujours pas de prévisibilité pour la suite, n’ayant pas annoncé de nouveaux investissements dans son dernier budget. Pourtant, il faudrait construire au moins 10 000 logements sociaux par année, pendant 15 ans selon le FRAPRU pour augmenter significativement la maigre part qu’ils occupent sur le parc locatif.

Le regroupement déplore que les nouvelles manières d’octroyer les fonds publics, auparavant assurés pour le logement social et communautaire, se fassent souvent de manière opaque et que plusieurs des logements financés n’offrent pas de garanties sur les besoins auxquels ils répondront. Il s’inquiète également des récentes modifications apportées au Programme d’Habitation abordable Québec (PHAQ) qui permettront d’inclure des loyers à 150% du loyer médian du marché. « Si on veut que les retombées sociales et économiques positives du logement social et communautaire aient leur plein effet, il faut des garanties sur la réelle abordabilité de ces logements et sur la pérennité de leur mission sociale », insiste Véronique Laflamme.

Le FRAPRU s’inquiète également des conséquences des choix récents faits par Mark Carney et craint qu’il ne laisse en plan le dossier du logement. Au moment où le gouvernement canadien est prêt à dégager des fonds inédits de 150 milliards par année d’ici 2035 en dépenses militaires, en plus d’annuler la taxation des géants du numérique et d’avoir reculé sur la hausse de la taxation du gain en capital, le regroupement constate que ces milliards auraient permis de lancer la construction de milliers de logements sociaux. Il interpelle le gouvernement Carney afin qu’il concentre les milliards prévus par le fédéral dans le logement dans le logement social et qu’il revoit rapidement ses cibles d’abordabilité.

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Pour information et demandes d’entrevues :
Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU

514 522-1010 (bureau), 418 956-3403 (cell.)

*Pour en savoir plus au sujet des mises en chantier, des taux d’innocupation et de rotation, c’est ici.

**396 selon la plus récente compilation de la SHQ. 425 en en comptant 82 à Trois-Rivières et 78 à Montréal selon les données les plus à jour des offices d’habitation locaux.