Un Québec qui se désengage de ses responsabilités envers le logement social

Québec, le 21 mars 2023 — Le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) est scandalisé du peu d’importance accordée à la pire crise du logement de l’histoire moderne du Québec, dans le cinquième budget présenté aujourd’hui par le ministre des Finances, Éric Girard. « Ce budget ne prévoit le financement que de 1500 nouveaux logements abordables, dont le tiers sera réservé aux promoteurs privés, sans aucune garantie quant au nombre de nouveaux logements sociaux qui seront finalement construits », résume Véronique Laflamme, la porte-parole du FRAPRU.

Le regroupement de défense du droit au logement dénonce avec véhémence le choix de ne financer aucune nouvelle unité dans le seul programme exclusivement dédié au logement social, AccèsLogis. Selon le FRAPRU, il s’agissait pourtant de la voie la plus rapide pour garantir le développement de nouveaux logements pour les ménages les plus durement touchés par la rareté actuelle de logements locatifs, en autant qu’il soit financé convenablement. « Il suffisait de bonifier le financement d’AccèsLogis », s’indigne Véronique Laflamme, rappelant que plusieurs secteurs communautaires et municipaux l’ont également demandé durant les dernières semaines. « Ce budget semble au contraire désengager Québec face à ses responsabilités en matière de droit au logement. Comment le gouvernement peut-il abandonner les locataires acculé.e.s au mal-logement, voire à l’itinérance? », dénonce la porte-parole.

Le FRAPRU dénonce l’absence d’objectifs en matière de logement social

Le budget annonce des investissements globaux de 545 millions $ pour réaliser 5250 logements. Ce nombre comprend 450 logements qui seront également financés par l’Initiative de création rapide de logement du gouvernement fédéral.  Il comprend aussi 3300 des quelques 9000 logements déjà budgétés dans AccèsLogis, mais qui ne sont toujours pas construits. Or, de l’avis du FRAPRU, les sommes prévues seront nettement insuffisantes. La Ville de Montréal à elle seule estimait à 314 M $, le montant indispensable pour livrer les 1098 logements prévus qui restent à bâtir. « Faut-il comprendre que l’entièreté des logements déjà promis durant le premier mandat de la CAQ, ne seront jamais réalisés ? », s’inquiète Véronique Laflamme.

Par ailleurs, le budget ne prévoit que le financement  de 1500 nouvelles  unités de logement «abordable» en 6 ans, dans le programme d’habitation abordable Québec (PHAQ). Il ajoute une nouvelle  contrainte en réservant le tiers de cette mince programmation au secteur privé. Le FRAPRU rappelle que la CAQ avait promis en juin dernier, 7000[1] nouveaux logements « sociaux et abordables » en 4 ans, avec ce programme. Le budget ne prévoie pas de sommes supplémentaires pour assurer la réalisation des 1700 unités retenues lors de la première programmation du PHAQ, annoncé en juin 2022, en grande majorité des logements sociaux et communautaires, et dont aucune n’a été mise en chantier. « Si le financement suffisant n’est pas au rendez-vous et que les programmes ne sont pas convenablement adaptés aux réalités du marché, aux besoins des ménages mal-logés et des groupes porteurs de projets de logements sociaux, il n’y aura pas de miracle », indique la porte-parole, qui croit que Québec devra absolument revoir ses positions et relancer le programme AccèsLogis, alors que le 1er juillet s’annonce encore une fois très difficile.

Une inquiétante privatisation de l’aide au logement
Le FRAPRU s’inquiète également de la privatisation des programmes d’aide au logement. Plus de la moitié des logements actuellement planifiés seront réalisés en «partenariat» avec le privé. Québec poursuit ainsi l’approche lancée en juin 2022, quand il a carrément confié des sommes au Fonds de solidarité FTQ et à Desjardins, pour qu’ils élaborent leurs propres programmes et attribuent eux-mêmes des fonds publics à des développeurs. « Disons-le clairement, ça s’appelle de la sous-traitance et ça représente un désengagement de l’État dans la mise en œuvre de programmes sociaux », dénonce la porte-parole du FRAPRU.

« Arrangez-vous », dit Québec aux personnes mal-logées

Le budget prévoit une bonification de la composante logement du crédit d’impôt remboursable pour la solidarité, qui pourra atteindre 78 $ par mois pour les personnes seules et 126 $ pour une famille avec enfants. Selon le FRAPRU, une telle mesure ne fera pas une grande différence pour les ménages dont les loyers explosent, à cause de la pénurie de logements locatifs et qui subissent de plein fouet l’augmentation tout aussi rapide des denrées. « En d’autres termes, le message qui est lancé aux ménages locataires, c’est : arrangez-vous ! », s’insurge Véronique Laflamme.

La rénovation des HLM n’est pas encore réglée

En ce qui concerne la rénovation pressante du parc existant d’habitations à loyer modique (HLM), le budget ne prévoit toujours pas de verser l’entièreté des sommes qui ont été obtenues à cette fin, dans l’Entente Canada-Québec sur le logement, de l’automne 2020. La Fédération des locataires de HLM du Québec demandait un minimum de 400 M $ par année, pour les 5 prochaines années, afin de rattraper le retard cumulé d’entretien. Or, le budget ne prévoit que la moitié de cette somme et cela, pour une seule année.

Les baisses d’impôts auraient pu financer 10 000 logements sociaux

Le FRAPRU, comme de nombreuses autres organisations sociales, dénonce le choix qui est fait de baisser les impôts, alors que le Québec ne finance pas adéquatement son filet social. « À lui seul, le 1,7 milliard $ dont on se prive avec les baisses d’impôts, aurait pu financer 10 000 logements sociaux par année », fait remarquer Véronique Laflamme. Selon elle, « Québec contrevient ainsi à ses obligations internationales de mettre en œuvre le droit au logement, de manière progressive et au maximum des ressources disponibles. Les baisses d’impôts vont bénéficier principalement aux plus riches et n’ont pas d’effet structurant pour les 175 000 ménages locataires au Québec qui ont des actuellement besoins impérieux de logement, parce qu’ils vivent dans un logement trop cher, trop petit et-ou en mauvais état ».

Alors que le regroupement et ses comités logement membres sont quotidiennement témoins des conséquences dramatiques du manque de logements locatifs et encore plus, de logements sociaux, ils ne comptent pas baisser les bras. « Cette approche de la CAQ ne peut qu’aggraver la situation des locataires. C’est pourquoi nous promettons de poursuivre la mobilisation pour la reconnaissance effective du droit à un logement décent, quel que soit son revenu, pour le financement d’un grand chantier d’au moins 50 000 logements sociaux en 5 ans et pour la relance du programme AccèsLogis », conclut Véronique Laflamme. Le FRAPRU se fera entendre dès ce vendredi, en tenant un rassemblement devant le Centre Sheraton de Montréal, alors que le ministre des Finances présentera son budget à la Chambre de commerce du Grand Montréal.

– 30 –

Pour plus d’informations ou une demande d’entrevue :
Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU : 418 956-3403 (cell.)


[1] La CAQ a promis 11 700 logements sociaux et abordables en 4 ans. De ce nombre, seulement 7000 sont de nouvelles unités puisque les 4700 autres unités ont déjà fait l’objet d’annonces budgétaires.